Le 10 décembre est consacré par la communauté des nations, journée mondiale des [[droits de l’homme]]. Cette date marque l’anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui engage chaque Etat à oeuvrer à la protection et à la promotion des valeurs universelles de liberté, de dignité, de justice et d’égalité des droits pour tous les [[citoyens]].
En tant qu’ONG internationale de défense des droits et des intérêts du peuple amazigh (berbère), le Congrès Mondial Amazigh (CMA) saisit cette occasion symbolique pour faire le point, de manière succinte, sur l’état des droits ou plutôt sur la violation des droits et des libertés fondamentaux du peuple amazigh dans les pays nord-africains.
En Algérie, l’année 2001 a été sans conteste, l’année la plus dramatique pour les amazighs de ce pays, particulièrement dans la région de Kabylie qui a eu à souffrir d’une répression d’une rare violence au cours du printemps noir 20001. Cette répression aveugle a fait une centaine de morts par balles et plus de 3000 blessés dont plus de la moitié resteront handicapés à vie.
Depuis ces tragiques événements, le mouvement des Aarchs, un mouvement citoyen, démocratiquement désigné par les citoyens des villages, quartiers, communes et daïras de Kabylie, a entrepris d’encadrer toutes les actions de protestation de la population. Le 11 juin 2001, la coordination de ce mouvement a mis au point une plate-forme de revendications, dite plate-forme d’El-Kseur, en 15 points regroupés en 4 chapitres : réparations dues aux victimes, sanction de tous les coupables et responsables des événements, revendications démocratiques et historiques, revendications socio-économiques. Toutes les tentatives de remettre publiquement cette plate-forme au chef de l’Etat (14 juin, 5 juillet, 8 août, 5 octobre) ont été accueillies par le même impressionnant dispositif policier dont l’agressivité n’a fait qu’allonger la liste des victimes.
Face à un mouvement populaire fermement déterminé à faire cesser le mépris, les injustices et l’impunité, le gouvernement a usé de méthodes des plus obscures pour « répondre » à des revendications qu’il a pourtant lui-même reconnues comme « légitimes », dans son communiqué du 3 octobre 2001.
Incitation à la haine entre citoyens arabophones et amazighophones, abandon par l’Etat de ses fonctions, y compris les plus élémentaires en n’assurant même pas l’ordre public dans les villes de Kabylie, laissant ainsi délibérément monter la délinquance et l’insécurité source d’exaspération et de conflits entre citoyens, actes de vandalisme jamais élucidés, comme par exemple le saccage du siège du club de foot-ball symbole de la Kabylie (JSK), recrutement de pseudo-délégués Aarchs pour afficher la « disponibilité au dialogue » du gouvernement tout en espérant générer la confusion et la division dans les rangs du mouvement citoyen,... sont autant de tactiques tout aussi opaques les unes que les autres visant à faire éclater ce mouvement mobilisateur et solidaire. En attendant, ce gouvernement feint d’ignorer les conclusions de la commission d’enquête dirigée par le professeur Issad parce qu’elles sont accablantes pour le pouvoir algérien, notamment lorsqu’elles notent que « la réaction violente des populations a été provoquée par l’action non moins violente des gendarmes, laquelle, pendant plus de deux mois, a nourri et entretenu l’événement : tirs à balles réelles, saccages, pillages, provocations de toutes sortes, propos obscènes et passage à tabac » et que « la violence enregistrée contre les civils est celle d’une guerre, avec usage d’armes de guerre ».
Depuis quelques jours, la répression regagne en intensité dans les villes et villages de Kabylie où l’on déplore plusieurs dizaines de blessés parmi les citoyens, des arrestations arbitraires et la mise en place d’une traque policière des délégués des Aarchs. Il est à craindre que ces provocations répétées ne poussent à l’embrasement de toute la région.
Au Maroc, c’est toujours le règne du paradoxe : le pays où les amazighophones sont numériquement majoritaires mais où ils sont minorisés parce qu’ils ne bénéficient d’aucune existence légale. « Démocratiquement », les amazighs du Maroc vivent sous la domination de la minorité panarabiste qui détient le monopole des pouvoirs politique et économique et qui mène une politique implacable de désamazighisation du pays.
A cet égard, il est toujours utile de rappeler ce véritable acte de négation d’un droit fondamental qui interdit aux parents de donner des prénoms amazighs à leurs enfants, ce qui symbolise tout le déni identitaire auquel est soumis le citoyen amazigh marocain.
Récemment, sous la pression intérieure et extérieure, le roi a bien voulu faire un geste en faveur de cette culture dont il se réclame par ailleurs, en créant l’institut royal amazigh. Beaucoup de militants du mouvement amazigh ont vu dans cette initiative « un grand pas en avant ». Pourtant, si pas il y a, il est réellement dérisoire lorsqu’on le compare aux très nombreuses institutions scolaires, universitaires, administratives...qui ont pour mission de promouvoir la langue et la culture arabo-islamiques. De plus, les textes fondateurs de cet institut sont tout simplement la copie conforme d’une instance similaire créée en 1995 en Algérie et dont nous connaissons tous l’expérience malheureuse ou du moins les limites structurelles. Il est, en outre, permis de douter de la sincérité d’une telle démarche lorsque nous apprenons le régime de harcèlement et d’intimidations juridico-administratives appliqué par les services du Makhzen à l’encontre de citoyens et de militants associatifs, particulièrement dans la province d’Errachidia (sud-est du Maroc).
La situation nous commande donc de rester plus que jamais lucides et vigilants pour exiger de réelles avancées démocratiques qui se mesurent au respect des libertés et des droits fondamentaux des amazighs, notamment la reconnaissance constitutionnelle de leur identité, avec tamazight comme langue nationale et officielle.
Dans les autres régions amazighes, les situations n’ont malheureusement connu aucune évolution positive.
Le peuple touareg sort fragilisé de sa confrontation armée avec les gouvernements nigérien et malien dans la mesure où les accords de paix ne sont pas respectés mais sans que les touaregs aient les moyens de faire appliquer les engagements pris par les gouvernements. A cela s’ajoute la précarité grandissante de la situation économique et sociale des touaregs. Le droit à la vie même est très sérieusement menacé dans cette région, ce qui impose une mobilisation internationale urgente en faveur des [[touaregs]].
En Libye et en Tunisie, plus qu’ailleurs, les droits de l’homme sont tout simplement inexistants, à fortiori lorsqu’il s’agit de citoyens amazighophones. La loi du plus fort y est impitoyablement appliquée. Aux Canaries, les très importantes ressources économiques générées par l’industrie touristique bénéficient en grande majorité aux firmes espagnoles. De plus, il existe une réelle politique discriminatoire de la part des entreprises étrangères à l’encontre des canariens notamment dans l’accès à l’emploi. Quant au patrimoine culturel, il est tout simplement folklorisé.
En ce jour des droits de l’homme, le [[Congrès Mondial Amazigh]] renouvelle son appel aux ONG et aux instances internationales pour agir afin que les gouvernements nord-africains respectent leurs obligations internationales en matière de respect des droits de l’homme, que les crimes ne restent pas impunis et que les actes discriminatoires, liberticides ou injustes cessent dans les plus brefs délais.
A cet égard le CMA soutient la demande formulée par la FIDH de se rendre en Kabylie ainsi que la démarche d’[[Amnesty International]] réclamant la traduction des responsables des crimes commis en Kabylie devant la justice. De toutes les manières, un jour ou l’autre, les autorités algériennes devront répondre de leurs méfaits devant les juridictions nationales ou internationales.
Progressivement, le CMA s’approprie les différents instruments internationaux à sa disposition (ONU, Conseil de l’Europe, UE...). Comme il l’a déjà fait à Genève, à Strasbourg, à Bruxelles, à Durban..., le CMA exploitera désormais systématiquement toutes les opportunités existantes à l’échelle internationale pour faire connaître les violations des droits des amazighs et faire appliquer les sanctions prévues par la justice des nations.
Plus que jamais le CMA est déterminé à intensifier ses efforts tout en élargissant son action, avec des ONG partenaires, pour se saisir de tous les outils juridiques et institutionnels afin de faire entendre et respecter les droits, tous les droits des [[amazighs]].
Le Bureau du CMA