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Les Berghwata ou l’insurrection autochtone

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il y a 11 ans 3 mois #506 par ayour
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Le mystère des Berghwata inquiète et fascine. Avec un nouveau prophète, une nouvelle religion et un nouveau Coran, ces guerriers amazighs ont pu résister près de quatre siècles aux dynasties musulmanes qui se sont succédées au Maroc.

Nous sommes en 121 de l’hégire (738 après J.C) Le Maghreb est alors en proie aux pillages des armées arabes qui, à cette époque, n’ont pas encore manifesté de velléités de s’installer en Afrique du Nord. Les côtes méditerranéennes ne servent que de points de transit vers une Andalousie fraichement conquise, tandis que l’intérieur du pays n’a qu’une utilité : la collecte de butin pour les armées omeyyades. « Les troupes arabes procédaient à des razzias qui n’avaient rien à voir avec l’objectif annoncé de la conquête, à savoir la prédication », rapporte Ahmed Achaaban, historien et archéologue, spécialiste de l’époque. Et d’ajouter : «Dans certaines régions, on marquait les Amazighs avec des signes dans la paume de la main et les quatre cinquièmes de leurs récoltes allaient au trésor du calife à Damas ».

« Apprendre les étoiles »

C’est dans ce contexte hostile qu’un Comité de chefs de tribus amazighs est constitué. Sa vocation : débattre de l’attitude à adopter face à l’« envahisseur ». En chef de file, Mayssara Al Mattghari, nommé Mayssara (littéralement, le méprisable) dans les livres arabes (Ibn Hawqal dans Image de la terre et Abou Obeid Al-Bakri dans Livre des routes et des royaumes). Les sages décident alors de se rendre à Damas, pour se plaindre auprès du calife des agissements de ses armées. Mais la déception est grande : après des mois d’attente dans la capitale de l’empire musulman, aucune audience n’est accordée aux plaignants… De retour au Maghreb, le Comité décrète l’insurrection. C’est ainsi qu’en 122 de l’hégire éclate la « révolution des Berbères », suivie d’une défaite cuisante des armées arabes dans l’Ifriqia (Tunisie actuelle). Un an plus tard, les Omeyyades contrattaquent et remportent la bataille d’Al Achraf, deuxième du genre. Mayssara capitule et est contraint de se réfugier à Tanger, où il sera accusé de trahison et exécuté par ses soldats.
Tarif, un de ses compagnons de guerre, s’installe à Tamesna, quelque part entre le Bouregreg et l’Oum Rabiaa. Rassembleur, il parvient à former une confédération de tribus qui portera le nom de Berghwata. « L’origine même du nom est toujours un mystère, nous n’avons pas pu trouver les racines de ce mot ni dans la langue amazighe, ni en Arabe », indique Ahmed Achaaban. A la mort de Tarif, son fils Salih prend le pouvoir. Le chroniqueur arabe Ibn Hawqal le décrit comme un voyageur parti dès son plus jeune âge en Irak, où il a « appris les étoiles », la magie noire et toutes sortes de sciences occultes. Une fois bien en place, Salih Ibn Tarif n’hésite pas à s’autoproclamer prophète de son peuple, et écrit son propre livre saint en amazigh. Dans la polémique qu’il engage avec les musulmans, il s’appuie sur le quatrième verset coranique de la sourate d’Abraham : « Nous n’avons envoyé de Messager qu’avec la langue de son peuple ». Le message est clair : pour Salih Ibn Tarif, Mohammed, eu égard à son appartenance ethnique, ne saurait être le messager des Amazighs.

Au nom de «Yakech»…

Al Bakri rapporte le premier verset du livre de Salih, baptisé « Salih Al Mouaminine » (Le Saint des croyants). L’extrait qui suit est tout ce qui reste du livre saint des Berghwata, traduit en arabe à partir de la version originale en amazigh: « Au nom de Yakech (traduction du mot Dieu en Amazigh, ndlr) qui a envoyé son livre aux hommes, un livre qui leur a montré sa voix. (…) Avec l’aide de la langue qu’Allah a envoyée avec droit aux hommes, la vérité triomphera. Imni Mamat (Regarde Mahomet, ndlr ), les hommes ont suivi le droit chemin quand il était vivant et l’ont accompagné. Ils se sont égarés après sa mort ». Ce texte aurait été composé de 80 sourates portant des noms de prophètes et d’animaux. Mais d’autres détails, plus sujets à caution, ont été rapportés à propos de la religion des Berghwata : Salih aurait ainsi demandé à ses apôtres d’effectuer dix prières par jour, en procédant préalablement à des ablutions quasi identiques à celles des musulmans. Mais malgré la ressemblance de leur culte avec ceux de l’islam traditionnel, les relations entre Berghwata et musulmans ont été particulièrement complexes. A titre d’exemple, les Berghwata ont interdit les mariages avec les musulmans venus d’Orient. Pourtant, ils se sont longtemps eux-mêmes considérés comme musulmans, y compris à l’époque des pionniers Salih Ibn Tarif et son fils Ilyass. Tous deux sont à ce titre considérés comme des partisans des Ibadites ou des Souffrîtes, selon les sources, de la fraction des Kharijites, qui se sont illustrés pour s’être opposés à la trêve entre Ali et Aicha.

En attendant les archéologues

Les historiens s’accordent néanmoins sur un point : à l’époque de Younes (petit fils de Salih), il aurait régné une sorte de Taqiya. Cette posture, qui consiste à dissimuler sa foi, en attendant des jours meilleurs et que la communauté des fidèles se renforce, avait d’ailleurs été adoptée par les Chiites, qui dominent le Maghreb à l’époque.
Les quelques bribes d’informations rapportées par les historiens arabes ne font qu’ajouter au mystère de ce royaume éphémère. Inutile de chercher du côté des textes gréco-romains, dont aucun ne fait référence aux Berghwata, ni aux tribus qui ont fait l’actualité de l’époque (Sanhaja, Masmouda etc.). Dans son Histoire du Maghreb, Abdellah Laroui estime qu’un travail de recherche devrait être confié aux archéologues, pour faire la lumière sur ce pan méconnu de notre histoire. « Nous bloquons toujours sur des aspects élémentaires. On ne sait toujours pas si les Berghwata étaient une union politique, religieuse, ethnique ou spatiale », regrette Ahmed Achaaban, qui est pourtant le premier archéologue marocain à avoir mené des fouilles dans la région de la Chaouia. Tamesna, décrite comme une grande cité, capitale du royaume de Salih Ibn Tarif, n’a par exemple toujours pas été localisée.

Les troupes coalisées

L’armée des Berghwata était connue pour être une des plus redoutables de son époque. Elle est estimée selon les études à quelque dix mille hommes, principalement issus de la tribu de Beni Tarif, qui figure parmi les fondateurs du royaume des Berghwata. Particularité des troupes de Beni Tarif : plusieurs milliers d’éléments sont considérés comme des soldats de réserve, qui appartiennent à des tribus musulmanes telles que les Sanhaja et les Masmouda. L’oppression arabe aurait été telle, qu’elle aurait donné lieu à une solidarité qui transcendait l’appartenance religieuse des clans. D’autres tribus auraient quant à elles décidé de s’allier par peur des représailles. Les armées berghwata ont ainsi résisté aux différents empires qui se sont succédés au Maroc. Elles ont ainsi survécu aux Idrissides, combattu les Almoravides, mais succomberont finalement aux Almohades.

Source: Zamane
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il y a 11 ans 2 mois #511 par amaynu
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Merci Ayour, voici un autre article sur les Berghwata paru sur le site Telquel.

La dynastie des Berghwata a régné durant quatre siècles sur la région de Tamesna, du Bouregreg au Oued Oum Rabi'. Leur principauté avait son propre prophète, son propre Coran et ses propres rites. Mais le pouvoir central, depuis les Almohades, en a fait disparaître toute trace. Enquête.

Qui sont les Berghwata ? Leur nom ne figure nulle part dans les manuels scolaires d'histoire. Une seule ligne figure à leur propos sur le site officiel du ministère de la Communication, apprenant au lecteur que ces gens se sont soulevés contre le califat omeyyade. Hormis des

érudits d'origine berbère, très peu savent que les Berghwata furent la dernière dynastie dont les rois étaient des Marocains de souche, des fils du bled du premier jusqu'au dernier. Ce que le public ignore aujourd'hui, c'est que les Berghwata ont régné sur la région de Tamesna, de Salé à Safi (ce que l'on nomme actuellement le Maroc utile) pendant quatre siècles. Surtout, ils avaient leur propre prophète, leur Coran et leurs rites. Qui sont donc ces gens qui ont régné de 742 à 1148, sans laisser la moindre trace dans l'histoire officielle ?

Les Berghwata étaient connus également sous le nom de Béni Tarif, d'après le nom du fondateur de la principauté. Ce guerrier marocain a d'abord rejoint l'armée des Arabes provenant d'Orient qui ont avancé vers l'Espagne, avant de rejoindre le dissident kharijite Mayssara et porter le glaive contre les conquérants musulmans, “pilleurs de biens et violeurs de belles femmes”. Tarif avait eu, en échange de son jihad, des terres près de Rio de Barbat en Andalousie. La plupart des historiens décèlent dans ce nom l'origine des “Berghwata”. D'autres rappellent que Tarif est un amazigh et que les Berghwata proviennent de la dynastie berbère des Bacchus. En tout cas, Abou Oubaïid Al Bakri, l'un des plus importants chroniqueurs des Berghwata, raconte qu'en 740, “les berbères de Masmoda et Zenata (principales tribus marocaines de souche) ont désigné Tarif comme leur chef”. Il fut considéré comme le fondateur effectif de la principauté des Berghwata, mais c'est son fils, Salih Ibn Tarif, qui passe pour être le fondateur spirituel et le créateur de la religion des Berghwata.

De la Taqiya à la prophétie
Les Berghwata n'ont pas renoncé à l'Islam d'un seul coup. Pendant le premier siècle du règne des Béni Tarif, ni Salih, ni même son fils, ne se sont proclamés prophètes. Ils restèrent tous deux partisans des Ibadites de la fraction des Kharijites (musulmans plaidant pour la démocratie et l'égalitarisme). Les chroniqueurs relatent que Salih avait peur pour sa vie. Il confia sa religion, sa science, ses principes et son fiqh à son fils, lui recommandant de les garder secrets et de “ne pas les révéler jusqu'à ce qu'il se sente en confiance et en sécurité. Il pouvait alors appeler les siens à rejoindre sa religion et éliminer tous ceux qui s'y opposeraient”. Exactement comme l'avait fait, avant lui, le prophète Mohamed en Orient. Les Berghwata voulaient recréer une copie conforme du messager de Dieu dans le Maghreb. À une différence près : Salih, l'homme pieux qui a réussi à rassembler moult tribus autour de lui, a gardé le silence sur sa foi tout au long de sa vie.

Il a fallu attendre le troisième prince de la lignée, Younès, pour que la prophétie des Béni Tarif soit révélée. Les prémices de cette transformation se manifestent pour la première fois en 816, lorsque Younès, accompagné de quatre imams marocains des moutazilites et des kharijites, partit pour Damas où il a acquis les sciences d'astronomie, d'astrologie, d'Ilm Al kalam (théologie) et d'argumentation, auprès d'un Cheikh moutazilite. “Au retour à la principauté de son père, il pouvait prédire les éclipses, ce qui le rapprochait du statut de prophète”, raconte l'historien Mohamed Talbi. Le fait qu'il se trouvait au milieu de gens incultes lui facilita certes la tâche, mais comment est-il arrivé à faire prévaloir cette prophétie ?

Selon la plupart des chroniqueurs, il argumenta que son grand-père fut le premier des prophètes, prenant pour preuve… le Coran. Il s'est ainsi basé sur ce verset : “Les vertueux (Salih) d'entre les croyants, et les Anges sont par surcroît [son] soutien” (Attahrim, 4). Le “Salih Al mouminine” a donc remplacé, dans l'esprit des Berghwata, “Amir Al Mouminine” (le Commandeur des croyants), arabe, despote et arrogant. Il lui était même supérieur, l'équivalent de “Salih” en tamazight étant “wari a wara” (littéralement : celui à qui personne ne succédera). Younès eut même recours à un autre verset du Coran pour faire prévaloir le statut mérité de son grand-père en tant que prophète : “Et Nous n'avons envoyé de Messager que dans la langue de son peuple” (Ibrahim, 4). Son argument est simple : Mohamed étant arabe, Salih a d'autant plus le droit de transmettre le message de Dieu auprès des siens au Maroc. Younès a même prédit que son grand-père allait réapparaître sous le règne du 7ème roi des Béni Tarif en tant que “Al Mahdi Al Montadar”. Cela montre, d'après l'historien Mouloud Achaq, l'imprégnation des Berghwata du mahdisme d'inspiration chiite. Selon Mohamed Talbi, Younès s'est proclamé de la prophétie de son grand-père, personnage vénéré, pour donner une certaine crédibilité à son propre pouvoir.

Younès et son fils, Ghafir, avaient la réputation de rois tyrans et sanguinaires. Le chroniqueur Al Bakri parle de 387 villes dont les habitants ont été égorgés et de 7770 morts parmi la tribu des Senhaja lors d'une seule bataille. Pour Mouloud Achaq, il s'agit probablement d'une exagération des faits, puisque les chroniqueurs autorisés en ce temps ne partageaient pas la croyance des Berghwata. Al Bakri était sunnite et Abou Al Kassim Ibn Haoukal était chiite. Dans les faits, douze tribus seulement ont accepté la prophétie des Béni Tarif. Les autres tribus sous leur domination, et dont le nombre s'élevait à 17, ont gardé leur ancienne confession, l'Islam moutazilite. Or, les Berghwata se sont comportés avec ces tribus comme des alliés et ne les ont pas persécutées au nom de la nouvelle religion. Mais quels étaient les fondements de la religion barghwatie ?

Leur culte, leur Coran et leurs rites
Les historiens parlent de “religion” parce que les Berghwata possédaient leur propre Coran. D'après Abou Salih Zemmour, le chargé de prière des Berghwata, ce Coran comportait quatre-vingt versets intitulés des noms de prophètes (Adam, Ayyoub/Job, Younès/Jonas...), de récits (celui de Pharaon, de Gog et Magog/Hajouj et Majouj, du charlatan, du veau…) ou d'animaux (le coq, le chameau, les criquets, le serpent…). Mais aucune trace de version écrite n'a pu être trouvée dans la région de Tamesna où ils se sont fixés. Cependant, Al Bakri a cité un extrait de la sourate d'Ayyoub, l'équivalent de la Fatiha coranique (première sourate du Coran) des Berghwata. Le texte dit : “Au nom de Dieu qui a envoyé son livre aux gens pour les éclairer sur sa Vérité. Ils disent alors : Iblis (Satan) est donc au courant de cette vérité. Dieu objecta. Il ne supporte point Iblis”. Le mot “Dieu” ici est la traduction du mot “Yakouch” que certains ont considéré comme le dieu des Berghwata, alors que d'autres soutiennent qu'il s'agit tout simplement de la traduction du mot “Allah”, auquel les kharijites parmi les berbères musulmans croyaient auparavant. Ce dernier avis est partagé par Mohamed Talbi, qui avance que “la religion des Béni Tarif ne s'est pas totalement écartée de l'Islam. Elle s'est contentée de l'adapter dans une version amazighe, locale et indépendante de l'Orient, en se dotant d'un Coran local et d'un prophète local”.

Cette tendance “indépendantiste” ne s'est pas limitée aux textes. Ainsi, les Berghwata observaient le jeûne pendant le mois de Rajab au lieu du mois de ramadan, priaient en groupe le jeudi et non le vendredi, faisaient certaines prières sans prosternation ni génuflexion (sujud et rukou'), à l'instar des chrétiens. Pour leurs ablutions, ils se lavaient également les deux côtés du ventre. Ils observaient cinq prières le jour et cinq la nuit. À travers ces manifestations de zèle, d'après l'analyse de Mohamed Talbi, les Berghwata voulaient probablement montrer qu'ils n'avaient pas de leçon à recevoir des despotes de l'Orient et qu'ils pouvaient produire leurs propres règles religieuses. En parallèle, les Berghwata étaient permissifs lorsqu'il agissait des plaisirs de la vie. Leur législation religieuse permettait par exemple aux hommes d'épouser autant de femmes qu'ils pouvaient, sans restriction aucune, et de les reprendre en mariage après le divorce s'ils le souhaitaient. D'ailleurs, ce qui attirait les étrangers dans leur contrée, à en croire Léon l'Africain, qui en a parlé ultérieurement, c'était la beauté extraordinaire de leurs femmes.

Au niveau de la population, les rites des Berghwata s'apparentaient de manière étonnante aux croyances païennes ancestrales et aux pratiques de sorcellerie, dont la sacralisation du coq. Les gens de Zemmour, où les Berghwata s'étaient installés dès le 9ème siècle, disent toujours, au lever du jour, “la tay wadane afellous” (le coq appelle à la prière). Selon l'orientaliste Nahoum Slouch, l'interdiction de manger la chair de coq chez les Berghwata proviendrait des juifs du Machreq au Sahara. Ce qui a incité Slouch à affirmer que “la religion des Berghwata est musulmane dans sa forme, berbère dans ses rites et juive dans son fond et ses tendances”. Concernant les rites de magie, il semble, selon les historiens de l'époque, que c'est dans la région de Tamesna, traversée de forêts et de ruisseaux, qu'est née l'idée de “nature hantée”. Quant à la réticence à manger la tête de certains animaux, dont le poisson, et l'interdiction de manger des œufs, elles sont toujours de rigueur chez certaines tribus des Masmoda qui se sont réfugiées dans le Souss, après la dissolution de la principauté des Berghwata. La mise en échec des Berghwata n'a pas été chose facile, loin s'en faut. Qu'est-ce qui lui a donné une telle force de résistance ?

Puissance économique et force militaire
Après le carnage de Oued Beht et celui du village de Timaghine, qui leur ont permis d'élargir leur domination au début du 10ème siècle, Abdellah Abou Al Ansar, un roi barghwati pacifiste et cultivé, est arrivé au pouvoir. À l'inverse de ses prédécesseurs, Abou Al Ansar a réussi à fédérer nombre d'alliés sans avoir à répandre le sang. Al Bakri raconte qu'“il rassemblait ses hommes, préparait son armée et s'apprêtait à lancer des attaques contre les tribus avoisinantes. Lorsque ces dernières lui offraient des présents dans une tentative d'attirer sa sympathie et qu'il acceptait leurs présents, il dispersait ses hommes (en signe de renoncement à l'attaque envisagée)”. Cette description montre à quel point les tribus entourant le royaume des Berghwata craignaient ces derniers et tenaient à maintenir une trêve avec eux.

L'effectif de l'armée barghwati a atteint, à l'époque, les dix mille hommes. Les tribus alliées qui n'ont pas renoncé à leur culte kharijite ont mis à leur disposition 10 000 cavaliers de réserve. Qu'est-ce qui motivait cette solidarité ? “Ces peuples n'étaient pas unis par un lien tribal, mais plutôt par un lien national (propre aux Berghwata)”, explique Mohamed Talbi. Leur “nation” se composait de quatre catégories, d'après les résultats des travaux du chercheur Mouloud Achaq. En premier lieu, il y avait les Béni Tarif, les détenteurs du pouvoir et les leaders de l'alliance idéologique et spirituelle du royaume. Ils étaient suivis des Masmoda, qui jouissaient d'un rang social privilégié. Venaient ensuite les tribus originaires des Zenata et des Senhaja, dont le rang social s'était amélioré grâce à leur activité commerciale. En dernier lieu se trouvaient toutes les tribus d'origine soudanaise, alliées des Berghwata grâce à leur bonne maîtrise du flux des caravanes provenant du Sahara. Mais qu'est-ce qui a donné aux Berghwata cette grande puissance, que n'avaient pas leurs pairs (principautés du Nékor au Nord et celle de Meknassa à Sijilmassa) ? Il n'existe pas d'explication unique à ce phénomène. Au niveau psychologique, il faut penser, estime Mohamed Talbi, que les Béni Tarif ont offert aux tribus qui les entouraient “un Coran dans leur langue, un prophète des leurs et des rites qui leur sont propres”. Mouloud Achaq choisit une explication plus rationnelle. Selon lui, la région de Tamesna est une zone difficile à pénétrer et fortement protégée par des forêts, des rivières et des grottes. Ahmed Siraj pense, quant à lui, que chez eux, “l'homme (les tribus) faisait frontière”.

En plus de ces atouts, les Berghwata disposaient de quelque 400 fortifications dans leurs villes stratégiques, telles Chellah, Fedala ou Anfa. Mais leur puissance réelle résidait dans leur force économique. En plus d'échanges avec l'Espagne, “ils pouvaient, selon Ibn Haouqal, avoir des échanges commerciaux même avec des gens d'Aghmat, du Souss et du Sijilmassa”. Tout cela signifie, selon les historiens, que les Berghwata maîtrisaient l'intermédiation commerciale. Ce qui veut dire également que les caravanes pouvaient circuler sur leur territoire sans problème. Les échanges avec Fès, sous le règne des Idrissides, par exemple, ne s'interrompaient qu'en temps de guerre. En ce qui concerne le domaine de l'agriculture, d'autre part, il suffit de citer Léon l'Africain : “du temps de ces hérétiques, l'abondance du blé était telle que les gens échangeaient une quantité de blé égale à ce que pouvait porter un chameau, contre une paire de babouches”.

Les Berghwata ont dominé une région sensible, avec des accès stratégiques à la mer, ce qui les a mis au centre de conflits les opposant aux Califes ommeyades sunnites, aux Fatimides chiites et leurs alliés au Maghreb. “Ils ont donc essayé de les éliminer pour des raisons plus économiques et politiques que religieuses”, d'après Mouloud Achaq. Leur puissance militaire allait se manifester clairement lorsque le fondateur de la dynastie Almoravide, Abdellah Ibn Yassine, a essayé de les anéantir en 1059. Sur cet événement, Mouloud Achaq nous raconte : “Ibn Yassine s'est aventuré dans cette péripétie sans préparation. Il croyait pouvoir vaincre les Berghwata alors qu'il venait du désert et que ceux qu'il venait combattre connaissaient mieux leur région, difficile à pénétrer”. Abdellah Ben Yassine sera tué dans cette bataille et inhumé dans un village perdu du nom de Kerifla, pas loin de Zhiliga, au cœur de la principauté honnie.

Leur déclin et leurs traces
Les attaques répétées dont a souffert le royaume, et qui ont abouti à son éradication en 1148 par Abdelmoumen ben Ali El Goumi, de la dynastie des Almohades, ont probablement conduit à l'anéantissement de plusieurs villes (80, selon Ibn Khaldoun). Le Maroc officiel a, petit à petit, effacé leurs traces, en important des tribus arabes de Tunisie pour remplacer les tribus affiliées aux Berghwata et en changeant l'appellation de la région (Tamesna) par Chaouia. Depuis, leur histoire est devenue un conte de charlatan, à peine évoquée dans les livres jaunis. Aujourd'hui, elle a enfin la chance de sortir de l'ombre. Ainsi, le directeur de l'Institut royal des études d'histoire, Mohamed Kabli, nous assure que le manuel de l'histoire du Maroc en cours de préparation “recèlera pour la première fois le peu qu'on sait sur les Berghwata”. Une large partie des Marocains sauront, enfin, qui étaient leurs ancêtres.

© Nichane. Traduit par Fatima Laouina

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il y a 10 ans 11 mois #528 par ZAZA
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Azul

Merci beaucoup mes frères c'est un sujet qui mérite une attention particulière

Bonne soirée

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