Le 5 novembre 2008, un haut personnage de la société multinationale AREVA Monsieur Thierry d’Arbonneau, en présence d’un ministre du gouvernement français, Mme Michèle Alliot-Marie, a déclaré publiquement dans une réunion officielle : « l’Etat français ferait mieux, […] de donner aux autorités nigériennes les moyens de mater la rébellion des touaregs », « ces hommes en bleu qui font rêver les hommes et chavirer le cœur des femmes, mais ne sont qu’une illusion… » Ces propos ont été rapportés par le journal « le Canard Enchainé ».
Faut-il considérer les propos de Monsieur Thierry d’Arbonneau comme une projection des déclarations successives de la diplomatie Française dans la gestion des problèmes Sahelo-sahariens ? Doit-on admettre que la France est sous l’influence des multinationales ? J’ose espérer que non, d’autant que la France a déjà pris des positions en faveur d’autodéterminations en différentes occasions (séparation nord-sud du Soudan ou de l’ex-Yougoslavie…). Le principe d’autodétermination est un droit universel inaliénable qui doit primer en toutes circonstances, et on ne peut admettre que soit sacrifié une fois de plus ce droit inaliénable et humain qu’est le droit des peuples à disposer de leur destin.
Dans la crise actuelle de l’Azawad, on constate même, chez nos amis journalistes français et quasiment dans tous les médias (de tous bords) frappés d’aveuglement, un certain « suivisme » dans l’approche de cette crise, car à ce jour il n’y a pas eu un seul journaliste occidental présent sur le terrain !
La presse internationale reprend aveuglément les mêmes termes que la presse française, tous sont d’accord sur le fait que la région est au bout du gouffre, et que si on laisse faire les Touaregs la région tombera dans les mains des Djihadistes qui veulent instaurer la Charia et demander aux femmes de se voiler.
Mais depuis quand les Touaregs font-ils le Djihad ? Certes les touaregs, pour la plupart sont de confession musulmane, mais de tradition berbère laïque qui remonte à des millénaires.
Je reprends les termes de l’intellectuel chercheur, ethnologue et spécialiste de l’Afrique réelle, Bernard LUGAN, dont je salue l’honnêteté et l’objectivité, car il n’hésite pas à critiquer ces rapporteurs qui envoient des rapports qui manquent de précisions et donnent une idée de leur incompétence, rapports qui peuvent fausser la décision que la Communauté Internationale doit prendre dans la gestion de crises, telle celle de l’Azawad.
Et je conseille vivement pour comprendre l’Afrique de visiter son blog « l’afrique réelle » et je lance le même défi qu’il avait lancé dans une interview : « trouvez- moi une seule femme Touarègue voilée ! » En pays touareg, ce sont les hommes qui sont voilés !
Vous allez répondre « Oui, à Tombouctou on a vu quelques femmes voilées montrées en boucle sur les chaines françaises, et reprises par d’autres chaines tel Aljazeera… et même des Barbus qui brandissaient le drapeau noir en criant Allah Ou Akbar ! ». Peut-être, mais ces vidéos amateurs n’ont pas été authentifiées et peuvent donc avoir été « montées » pour saboter le projet de l’indépendance de l’Azawad ; et par ailleurs, sachez que Tombouctou est un carrefour multiethnique depuis la nuit des temps, et géographiquement, c’est l’arrière-frontière du pays de l’Azawad !
Le 6 avril 2012, le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) a déclaré solennellement l’indépendance et la création de l’Etat de la République de l’Azawad.
Peu après cette déclaration, la France, la CEDEAO, l’Algérie ont fait savoir qu’ils ne laisseront jamais un Etat indépendant se former dans le nord du Mali et qu’ils veillent à ce que « l’intégralité du territoire malien soit respecté ».
Ce front de refus a usé de tous les moyens, jusqu’aux plus menaçants, que ce soient le terrorisme mondial incarné par Al Qaida au maghreb islamique (l’Aqmi) et le parachutage d’Ansar Dine dans la région de l’Azawad qui seraient selon les médias les maitres de l’Azawad qu’il faut combattre et déloger à tous prix, pour encore une fois faire peur à la communauté internationale et discréditer le MNLA dans ses revendications légitimes d’instauration d’un état sur son territoire historique revendiqué depuis 1958.
Nous connaissons ce peuple pacifique qu’est le peuple touareg, qui vit depuis des siècles d’élevage et d’agriculture à usage domestique, en harmonie, sur un territoire qui aujourd’hui est l’objet de multiples convoitises, tant de pays frontaliers que de pays lointains, avides d’une mainmise sur les richesses locales et en particulier les nombreux gisements d’uranium qui s’y trouvent.
L’exploitation de l’uranium ! Synonyme d’empoisonnement des sols et des cultures, d’empoisonnement du bétail, de pollution de l’air et des nappes phréatiques…
Les retombées de la richesse de leur propre sol ne seraient donc pour ce peuple que synonyme de famine, désertification, oasis polluées, et dispersion des populations… !
Cette indépendance n’a pas été déclarée sur un fond vide ; elle fait suite à de multiples insurrections qui ont abouti à l’insurrection du 17 janvier 2012 !
Le problème touareg ne date pas d’aujourd’hui. Déjà, quand le vent de l’indépendance dans les années soixante soufflait sur l’Afrique, les touaregs avaient interpelé la France sur le devenir de leur territoire, par une lettre adressée à Charles de Gaulle :
« Puisque vous quittez le pays touareg, rendez-nous notre bien tel que vous nous l’avez arraché [...] Nous ne voulons pas que les Noirs ni les Arabes nous dirigent […] Puisque l’indépendance s’annonce et que vous la donnez, alors nous les Touaregs nous voulons nous diriger nous-mêmes et rassembler notre société tout entière là où elle se trouve, dans notre pays. Nous voulons que notre pays soit un seul pays »…
Désormais, le pays de l’Azawad dans son intégralité est contrôlé par le Mouvement National de Libération de l’Azawad qui tend coute que coute à l’instauration d’un état républicain démocratique et laïc pour ramener la stabilité, la sécurité et la paix, pour rattraper le retard politico-économico-social dans la région.
Pourquoi cette coalition de refus brouille-t-elle les pistes et jusqu’où ira-t-elle pour empêcher les Berbères touaregs de créer leur état indépendant ?
Une intervention militaire serait une catastrophe et une faute politique, car le risque est grand d’un embrasement général de la région qui, dans l’hypothèse où cette coalition persisterait dans son intention militaire, pourrait dégénérer et s’étendre au-delà de l’Azawad.
Faute diplomatique également, car toutes les conventions internationales, le droit à l’autodétermination des peuples, la Charte des Nations Unies, la Déclaration sur les droits des peuples autochtones et la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples seraient alors bafoués.
Le nouveau président de transition du Mali a promis une guerre générale, implacable et sans relâche contre le peuple azawadien. Doit-on considérer cette déclaration comme une agression raciale d’un état étranger à l’encontre d’un peuple qui a déclaré son indépendance ?
Lorsque le ministre français déclare qu’« il n’est pas question de remettre en cause la souveraineté » du Mali et qu’une aide logistique sera mise à disposition de l’Etat malien, que doit penser ?
Je pense, ainsi que ceux qui rejoignent mon opinion, qu’il n’est plus question que la France continue de dessiner la carte de l’Afrique à sa guise. Le temps du colonialisme est révolu et c’est le moment de faire parler le droit international relatif au droit des peuples à s’autodéterminer.
En tant qu’ancienne puissance coloniale, la France est bien placée pour savoir le caractère arbitraire et artificiel des frontières rectilignes qu’elle a tracées en Afrique, qui sont à l’origine du conflit d’aujourd’hui.
L’armée malienne l’a très bien compris, qui combattant pour une cause perdue d’avance, qui n’était pas la sienne, a préféré déserter et prendre la fuite et retourner dans leur casernement dans le sud du pays : 7 000 à 7 800 militaires maliens, dont 4 800 para-militaires et 3 000 miliciens.
5 000 à 7 000 combattants pour le MNLA ; Ansar Dine, 300 personnes ; Aqmi, quelques centaines de fidèles qui seront vite délogés par le MNLA vu leur nombre et leur armement.
Le MNLA est une organisation, politique et militaire, qui a la capacité de gérer et de résoudre seul sur son territoire ce problème d’extrémistes, avec l’appui de la communauté internationale.
Je reprendrais une phrase de Bernard Lugan: « Donnez aux Touaregs leur Etat ! » et j’ajouterais pour terminer « donnez aux Azawadiens leur Etat ».
Ibrahim Messoud
Amazigh de la diaspora