Le gouvernement se prépare à approuver le projet de décret pour activer la vision stratégique fixé par le Conseil supérieur pour l'éducation et la formation et la recherche scientifique, et cela en l'absence de la loi organique pour la mise en oeuvre du statut officiel de la langue amazighe, qui n'a toujours pas vu le jour jusqu'à présent. Après avoir étudié de près la situation de l'amazighe à tous les niveaux et considérant ce qui a été stipulé dans la vision de ce conseil supérieur, l'observatoire déclare à l'opinion publique nationale et internationale ce qui suit :
1) Que ce qui est stipulé dans la constitution est qu'« Une loi organique définit le processus de mise en OEuvre du caractère officiel de la langue amazighe, ainsi que les modalités de son intégration dans l'enseignement et aux domaines prioritaires de la vie publique, et ce afin de lui permettre de remplir à terme sa fonction de langue officielle » ; toute décision prise en l'absence de cette loi est une violation pure et simple de la Constitution et n'est qu'une manoeuvre pour brouiller les cartes et entraver cette mise en oeuvre et les acquis précédents.
2) Que ce qui a été adopté par l'état marocain jusqu'à présent concernant la question amazighe, a été fait dans le cadre de la réconciliation nationale, visant à résoudre la discrimination linguistique et culturelle, résultat des politiques précédentes ; cette réconciliation a conduit ainsi à l'adoption de la langue amazighe comme langue officielle dans la constitution afin de la protéger et de garantir sa promotion dans tous les domaines, en tant que langue de l'état et de ses institutions. A l'heure où l'état marocain se doit de consolider la cohésion nationale et de renforcer la paix sociale dans une région déjà bien troublée, toute tentative de contourner ces acquis conduirait inévitablement au retour de conflits dans notre société dus à l'accroissement de la discrimination à l'encontre de l'identité, de la culture et de la langue amazighes.
3) Que la vision du Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et la recherche scientifique que ce dernier compte adopter pour la langue amazighe, en contradiction avec la constitution, représente un recul grave pour la situation de la langue amazighe dans le système éducatif, si on compare avec les acquis obtenus depuis 2003et établis par les textes officiels émanant du Ministère de l'éducation. Le conseil supérieur de l'éducation et de la formation, se doit, d'appliquer la constitution votée en 2011 par tous les marocains, qui a érigé la langue amazighe au statut de langue officielle, mais au lieu de cela, il balaie tout, en proposant un statut bien inférieur à celui de 2003 dans le système éducatif : langue obligatoire dans le primaire ( seulement orale jusqu'en 3ème année) et facultative de communication au collège et au lycée, manoeuvre calculée qui conduira inévitablement à restreindre la fonction et le rôle de la langue amazighe dans les institutions publiques ou à l'écarter purement et simplement, bien qu'elle soit langue officielle de l'état.
4) Que ce Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et la recherche scientifique, n'a pas respecté l'approche participative, en écartant la société civile amazighe, et en impliquant divers courants de sensibilités intellectuelles et politiques inclus, connus pour leur hostilité aux droits culturels et linguistiques amazighs, reproduisant ainsi, le même scénario élaboré pour la fameuse Charte nationale de l'éducation et de la formation en 1998 dans laquelle, le mouvement amazigh avait été exclu ; ce qui a abouti à une charte discriminatoire où la langue amazighe ne devait être utilisée que pour faciliter l'apprentissage de la langue arabe. Le mouvement amazigh ne peut que rejeter cette soi disant vision stratégique du Conseil comme il avait rejeté la Charte de l'éducation et de la formation lors de sa publication.
5) Que l'approche adoptée par le Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et la recherche scientifique, où l'Etat passe de la dualité langue arabe / langue française vers l'arabe / français / anglais, nous indigne et nous confirme que la discrimination contre la langue amazighe bien que celle-ci soit devenue officielle, continue de plus belle. La Constitution ne stipule-t-elle pas deux langues officielles, l'arabe et l'amazighe avec l'ouverture vers les langues étrangères. ( ???)
6) Que toutes les lois organiques ou autres élaborées jusqu'à présent dans le mépris et le déni total du statut officiel de la langue amazighe, nous amènent à deux possibilités : soit que l'Etat n'a pas l'intention d'activer la mise en oeuvre le l'officialisation de la langue amazighe, soit il se devra d'examiner toutes ces lois comme il est stipulé dans la Constitution.
7) Que l'adoption de la langue amazighe comme langue officielle dans la Constitution, tout en élaborant des lois discriminatoires à son encontre, traduit une position contradictoire et une vision confuse et sournoise de l'Etat et de ses institutions, quant à sa politique de gestion de la situation linguistique. Le message est clair. L'enseignement de la langue amazighe n'est pas pris au sérieux et l'officialisation de cette langue dans la constitution de 2011 encore moins. La loi organique relative à la mise en oeuvre de la langue amazighe tarde à venir, aucune commission jusqu'à présent n'a été mise sur pied, et la discrimination à l'encontre de la langue et de la culture amazighes continue dans tous les domaines. Nous sommes et nous serons toujours vigilants face aux forces conservatrices amazighophobes logées dans les sphères du pouvoir, et partis politiques depuis toujours hostiles à l'Amazighité, qui sont à l'origine de cette discrimination. Ajouter à tout cela, l'existence de résistances anti-amazighes multiples, notamment au niveau des élites politiques et intellectuelles, les unes obsédées par le modèle de l'Etat-nation arabe centralisateur et les autres inféodées à l'idéologie islamiste et arabiste.
Sur la base de ce qui précède, nous considérons toute tentative de publier un décret fondé sur la vision discriminatoire à l'encontre de la langue amazighe et ce avant même l'élaboration de la loi organique relative à sa mise en oeuvre, qui déterminera les modalités de son intégration dans le système éducatif et dans les autres domaines, comme un « blanchiment » grave de la discrimination linguistique et culturelle au Maroc, afin de restreindre la fonction de la langue amazighe dans le système éducatif et dans les autres domaines publiques, mettant ainsi en danger la cohésion et la paix sociale dans notre pays.
Rabat 29 Mars, 2016