La question de la nation se pose aujourd'hui plus que jamais, cinquante ans après d'indépendance de notre pays. Le processus de construction de la nation s'est amorcé en réponse au pouvoir colonial et, dès lors, la préservation et le développement de « la personnalité algérienne » ont été au cœur du combat pour l'affirmation de la nation. C'est dans ce contexte que naît la problématique de la question amazighe dans la construction nationale.
En effet, la culture amazighe qui devrait être au centre de la Constitution et de la fondation de notre pacte national et régional s'est trouvée rejetée, dénigrée, voire niée par le mouvement national.
A l'indépendance, le rêve d'une Algérie démocratique et multiculturelle a été confisqué. La diversité culturelle et la pluralité linguistique de l'Algérie ont été rejetées au profit d'une vision identitaire étroite et exclusive, limitée aux seuls vecteurs de l'arabité et de l'islam.
Cependant, la gestion autoritaire et répressive de l'espace d'expression politique n'est pas venue à bout de la revendication amazighe. Portée par une jeune génération de militants engagés dans le combat pour la démocratie, elle s'est de nouveau imposée dans le débat public. Le "printemps berbère" de 1980 et le "printemps noir" de 2001 ont démontré, avec vigueur, que la revendication amazighe est étroitement liée à la revendication de démocratie et de justice.
Ces deux événements d'ampleur inédite ont bouleversé le cours de l'histoire politique de notre pays, et joué un rôle fondamental dans la reconnaissance de sa composante amazighe. L'enjeu véritable que recouvre la revendication amazighe n'est pas simplement d'ordre culturel ou linguistique : il est aussi celui de l'édification d'une nouvelle société algérienne fondée sur la citoyenneté, la démocratie, et qui aurait pour base la prééminence du droit, le respect de la dignité et la pluralité culturelle.
L'identité amazighe est désormais intégrée officiellement à l'identité nationale, et la langue amazighe est inscrite comme langue nationale dans la Constitution. Mais la digue des idéologies étroites n'a toujours pas cédé. La langue amazighe n'est pas encore considérée comme langue officielle. Son enseignement n'est pas obligatoire pour l'ensemble des Algériennes et des Algériens. Les administrations nationales et locales continuent, quotidiennement, à dresser mille et une ruses pour freiner son émancipation. Ces archaïsmes et immobilismes favorisent la légitimation et l'émergence de nouvelles forces politiques centrifuges qui, ensemble, affaiblissent l'intérêt pour la nation algérienne et mettent en danger sa pérennité.
Aujourd'hui, le collectif algérien en France ACDA (Agir pour le changement et la démocratie en Algérie) s'intéresse au bilan que nous pouvons tirer après un demi-siècle de luttes et de combats, et aux perspectives pour le futur. Aussi, nous vous invitons à une rencontre-débat qui se déroulera en deux sessions.
- La première session tentera de dresser un état des lieux de l'enseignement de la langue amazighe en Algérie ainsi que du fonctionnement des institutions officielles mises en place pour la sauvegarde et la promotion de la culture amazighe (notamment le HCA). Elle comprendra également un tour d'horizon sur l'évolution de la langue amazighe dans les autres pays du Maghreb – au Maroc, en particulier.
- La seconde session sera consacrée aux origines et développement de la revendication de l'identité amazighe dans l'histoire récente de l'Algérie : de la "crise berbériste" de 1949 jusqu'aux événements du "printemps berbère" de 1980 et à la lutte du mouvement culturel berbère. Elle sera aussi l'occasion de s'intéresser à l'effet des événements du "printemps noir" de 2001 sur la revendication berbère en Kabylie et à l'apparition de l'option autonomiste comme voie concurrente à l'Etat unitaire dans la satisfaction de la revendication amazighe.
Pour le collectif ACDA
Omar BOURABA
Le collectif algérien en France ACDA (Agir pour le changement et la démocratie en Algérie) organise un séminaire sur le thème :« Algérie : la construction de la nation à l'épreuve de l'identité amazighe» Samedi 14 décembre 2013, de 13h30 à 19h
Mairie du 2° arrondissement,
Salle des expositions,
8, rue de la Banque, 75002 Paris
(métro Bourse)
13h30-15h45 : Etat des lieux de la culture amazighe
Chérifa Bilek, responsable de l'enseignement et de la formation au Haut Commissariat à l'amazighité (HCA) : "Tamazight, enseignement et institutions"
Saïd Chemakh, linguiste, enseignant en tamazight à l'Université de Tizi-Ouzou : "Enseignement et études du tamazight à l'Université"
Ramdane Achab, éditeur : "Expériences de production et d'édition"
Meryam Demnati, membre de l'Observatoire Amazigh des Droits et Libertés :"L'expérience marocaine"
Pause café.
16h-19h : Histoire et perspectives politiques
Sadek Hadjerès, homme politique, historien, essayiste : "La question amazighe dans le mouvement national et depuis l'indépendance"
Saïd Doumane, professeur d'économie : "La question amazighe dans le contexte historique et politique du "printemps berbère" (1980)"
Mohamed Brahim Salhi, sociologue : "Printemps berbère" (1980), "printemps noir" (2001) : continuités et ruptures"
Salem Chaker, linguiste, professeur de berbère à l'université Aix-Marseille : "Perspectives pour le mouvement amazigh dans les pays d'Afrique du Nord"
Ali Guenoun, historien : introduction, et modération du débat.