Un an et demi après l'amendement de la Constitution marocaine qui a mis sur un pied d'égalité la langue amazighe et la langue arabe, l'officialisation de la langue amazighe n'est pas encore concrètement mise en oeuvre.
La situation reste toujours stable. Les Amazighs n'ont pas encore senti un changement de leur situation. Cette officialisation attend toujours la promulgation de la loi organique qui doit définir le processus de la mise en oeuvre du caractère officiel de la langue amazighe, ainsi que les modalités de son intégration dans l'enseignement et aux domaines de la vie générale en tant que langue officielle. Les déclarations des responsables du gouvernement attestent que cette loi ne constitue pas une priorité urgente du gouvernement.En effet, le vrai travail n'a pas encore commencé, il s'agit de l'harmonisation de l'arsenal juridique avec la nouvelle Constitution qui donne une certaine égalité entre tous les citoyens marocains, les langues et les cultures, ainsi que les différentes conventions internationales relatives au droit de l'homme.
C'est ainsi que les Amazighs n'ont pas toujours le droit d'utiliser leur langue devant les tribunaux du royaume et souffrent encore en raison de l' application de l'article cinq de la loi N° 3.64 du 26 janvier 1965, relative à l'unification des juridictions, faisant de la langue arabe la langue unique pour ester en justice, ce qui constitue une violation flagrante des dispositions des articles 2 à 6 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Une parlementaire amazighe Fatima Chahou a prit la parole en Tamazight en plein séance diffusée directement par la télévision marocaine, lundi 30 avril, en interpellant le ministre de l'Education nationale sur la question de la généralisation de l'enseignement de l'amazigh à l'école.
Sauf qu'en posant sa question, la députée a choisi de parler exclusivement en berbère. La présidence de l'établissement a décidé d'interdire l'utilisation de la langue amazighe en raison du manque de la logistique de traduction selon le porte parole du parlement.
Le mouvement amazigh a rapidement réagit en dénonçant cette décision, et en la qualifiant comme un acte illégitime et inconstitutionnelle et demande l'annulation de la dite décision.
Vidéo: Question en Tamazight de la députée Fatima Chahou au parlement marocain
Malgré le climat général favorable pour les droits des Amazighs, la création des partis politiques amazighs semble être encore un tabou, le droit de l'existence du parti amazigh démocratique (PAD) qui a été interdit par le tribunal saisie par le ministre de l'intérieur il y a trois ans, n'a pas encore retrouvé son droit à l'existence ; les responsables du parti réclament toujours leur droit d'avoir l'accès à la légitimité à l'instar des autres partis politiques. Plusieurs associations sont toujours privées du récépissé du dépôt légal auquel elles ont droit. L'association AKAL à Agadir l'Association Souss pour la Dignité ‐Al Karama‐ et les Droits de l'Homme à Agadir, la section de l'Organisation Izerfane à Agadir, ainsi que l'association Tawada à Ouarzazate sont Ces associations ont satisfait toutes les voies légales requises stipulées par l'article 5 de la loi 00/75 relative aux libertés publiques. En fait, cela constitue une violation flagrante de l'alinéa 9 du paragraphe (d) de l'article 5 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Le mouvement amazigh des étudiants fut l'objet de plusieurs arrestations comme c'était le cas de la fraction de ce mouvement à l'université de Meknès et à l'université d'Agadir
Le mouvement du 20 février en particulier les militants amazighs continuent encore à manifester en revendiquant plus de démocratie et l'instauration d'un Etat démocratique et laïque. Plusieurs militants ont été arrêtés comme c'était le cas à Imider au sud‐est du pays, Beni Bouayache dans la région du Rif au Nord.
Les tribus amazighs vivaient jadis en communauté et se basaient sur l'économie de la terre (l'élevage, culture etc). La terre était cultivée en commune sous un système appelé TAJMA3T( propriété collective). Après la colonisation et l'introduction du système moderne l'Etat instaure un nouveau système foncier en spoliant la terre des tribus. Et depuis plus de soixante ans le problème de la terre se pose entre les amazighs et l'Etat. Ces dernières années le problème s'accroit avec la décision du Haut commissariat des Eaux et des forets de délimiter les domaines de l'Etat avant la fin 2014.
La persistance de la violation, par la Primature et le Haut Commissariat aux Eaux et Forêts, des droits des communautés ethniques autochtones à l'usufruit et à la propriété des terres sur lesquelles elles vivent depuis des siècles. Cette violation est matérialisée par l'adoption, au cours de l'été 2012, de communiqués par le Haut Commissariat aux Eaux et Forêts et de décrets de la Primature marocaine, visant l'ouverture d'une procédure de délimitation du soi‐disant domaine de l'État dans la région de Souss‐Massa‐Draa, au sud marocain, notamment à Chtouka Ait Baha, Ait Baâmrane, Ifni, Tanalt et Idda Ougnidif, dans le but d'exproprier les terres des habitants et les transformer en forêts de chasse après l'expulsion forcée de la population concernée.
Les associations amazighes multiplient leur rencontres et se focalisent leur revendications sur le droit à la terre. L'Organisation Tamaynut la plus grande organisation amazighe au Maroc a fait plusieurs visites à la région d'Imider ou la population autochtone était en sit‐in depuis plus d'un an revendiquant leurs droits sur l'exploitation de la mine d'argent existant sur leur terre.
Depuis 1969, la Société Métallurgique de Imider (SMI) exploite un gisement d'argent sur les terres collectives des habitants de Imider, puise dans la nappe phréatique l'eau nécessaire au traitement du minerai, rejette des polluants et n'apporte aucun avantage pour la population locale, pas même l'emploi des jeunes au chômage. Ces dernières années, les paysans de Imider ont constaté le recul des niveaux d'eau très inquiétants, de près de 60%, jusqu'à rendre inexploitables certaines parcelles productives jusque‐là. Des champs d'arbres fruitiers ont ainsi été perdus faute d'eau.
Les Amazighs d'Imider revendiquent le partage des avantages, le travail de leurs jeunes chômeurs, le respect des normes de l'exploitation internationale des mines la lute contre la pollution.
La nouvelle entrée scolaire 2012 est caractérisée par l'engagement du ministre de l'enseignement de faire avancer l'enseignement de la langue amazighe. Plusieurs circulaires ont été envoyées aux académies et aux délégations du ministre incitant les responsables à déployer les efforts pour la généralisation de l'enseignement de tamazight , mais la cette action reste sans effet en raison de manque des moyens particulièrement les ressources humains et la volonté des responsables des académies régionales qui ne sont pas motivés pour l'enseignement de cette langue malgré son statut officiel.
Le Ministère de l'enseignement ne semble pas envisager le parcours d'enseignement de l'amazigh dans les niveaux ultérieurs, et la continuation du processus d'enseignement en amazigh de manière réductionniste ne dépassant pas la couverture de 5% de l'ensemble des écoles primaires au Maroc et dans la limite de certaines régions seulement.
Par ailleurs, le Ministère de l'éducation nationale ne fournit toujours pas aux élèves et aux enseignants les programmes scolaires et les supports pédagogiques, en plus de l'absence d'une formation claire, approfondie et suffisante des enseignants.
En outre, l'enseignement universitaire de la langue amazighe trébuche encore puisqu'il est intégré sous forme de sections qui dépendent d'autres départements tels que celui de la langue française, sans qu'un département autonome lui soit consacré.
Bien plus, dans certaines facultés (Université Mohammed V de Rabat, par exemple), l'enseignement de l'amazigh se déroule sans prendre en compte l'alphabet tifinagh, ce qui pose la question de la crédibilité et du référentiel de la formation.
L'information constitue pour le Mouvement Amazigh une revendication capitale pour le promouvoir de la langue et de la culture amazighe en raison de son impact sur la population et son rôle sur la prise de conscience de la population de son identité. La situation n'a pas encore changé à l'exception de la chaine amazighe qui fonctionne avec un budget qui ne répond pas aux ambitions des Amazighs.
L'adoption du cahier des charges de la Société Nationale de la Radio et Télévision‐ SNRT‐ qui réduit de 30% à moins de 20% le quota de diffusion d'émissions en langue amazighe sur les chaînes publiques arabophones et en langues étrangères. Cela reflet encore la place secondaire de la langue et de la culture amazighe dans le paysage visuel au Maroc, ce qui pousse le Mouvement Culturel Amazigh à être septique envers la volonté politique du gouvernement, concernant le problème de Tamazight.
Bien que l'année 2012 soit considéré par les observateurs comme l'année du printemps des peuples de l'Afrique du nord, le Maroc à échappé spectaculairement aux troublante tempête qui a frappé la région, cela en raison de la politique de la flexibilité suivi par le Maroc depuis longtemps. Le Combat du mouvement culturel amazigh s'inscrit dans l'approche des revendications pacifiques et dans le cadre des conventions internationales relatives aux droits de l'homme, ce qui lui adonné une crédibilité et une force énorme de plaidoyer.
Dr. Mohamed Handaine est Président de la Confédération des associations Amazigh du Sud du Maroc (Tamunt n Iffus) à Agadir. Il est diplômé d'université, historien et écrivain, et membre de la Coordination Autochtone Francophone (CAF). Il est membre fondateur du Congrès Mondial Amazigh et a publié plusieurs ouvrages sur l'histoire et la culture Amazigh. Il représente aussi la région Nord Africaine à l'IPACC (Coordination des peuples autochtones d'Afrique )