Si on croit aux gesticulations de nos décideurs et politiques qui ne considèrent que l'écume des choses. L'abdication des actes de violence ne demande que la mainmise sur les instruments de la violence ; cependant son boucanage n'est que sous la cendre, une simple étincelle l'embrase; et son éradication devient utopique de plus en plus que les réformes contournent autours de la problématique identitaire qui se définit soit par rapport à la colonisation soit par rapport à l'idéologie arabo islamisme. La politique linguistique des décideurs fait que les langues marocaines (amazighe et darijas) meurent. Conséquence, on adopte l'arabe classique et le français. Ce qui est grave au Maroc, c'est qu'on se définit comme arabophone ici et francophone là-bas !
En effet nos enfants - je dis bien nos enfants - passent à l'acte de violence plus vite et plus fort, ce n'est pas parce que ni nous ni leurs maîtres n'avons su leur transmettre la capacité de mettre pacifiquement en mot leur pensée pour l'Autre, mais c'est la schizophrénie identitaire que l'enfant reçoit à l'école le conduit à méconnaître à la fois sa face et celle de l'interlocuteur ; d'où neuf élèves sur dix environ quittent aujourd'hui notre système scolaire en situation d'insécurité linguistique et d'un « je » humilié. Ils sont incapables de dire leur pensée au plus juste de leurs intentions ; ils sont tout aussi inaptes de recevoir la pensée d'un autre avec autant de bienveillance que de vigilance. Leur drame n'est pas de ne pas savoir parler selon les règles, leur drame est que l'école n'a pas su leur donner le respect de « je » afin d'avoir le goût de l'Autre. Le « je » humilié engendre trois principaux types de violence verbale : la violence fulgurante, la violence polémique et la violence détournée ; L'insécurité linguistique, parce qu'elle condamne les élèves à une incarcération admise, à une communication rétrécie, rend difficile toute tentative de relation pacifique, tolérante et maîtrisée avec un monde devenu hors de portée des mots, indifférent au verbe. Réduite à la proximité et à l'immédiat, la parole n'a plus le pouvoir de créer un temps de sereine négociation linguistique seule capable d'éviter le passage à l'acte violent et à l'affrontement physique. Cette parole alors éruptive n'est le plus souvent qu'un instrument d'interpellation brutale et d'invective qui banalise l'insulte et annonce le conflit plus qu'elle ne le diffère. Confinée dans le cercle étroit des «alter ego», elle n'autorise que de rares perspectives d'analyse et de problématisation.Ces accès linguistiques peuvent être appréhendés dans un cadre théorique interdisciplinaire par la découverte, en 1996, par Rizzolatti et son équipe, des neurones miroirs. Par la suite, de nombreuses recherches ont permis de distinguer différents types de neurones miroirs chez le singe (Rizzolatti & Sinigaglia). Il y a ceux qui rendent compte des gestes transitifs, c'est-à-dire l'observation des gestes directs, orientés vers un objet comme prendre une banane et la manger : neurones digestifs. Et il y a ceux qui rendent compte des gestes intransitifs, c'est-à-dire l'observation des gestes qui appartiennent au répertoire des comportements communicatifs comme la protrusion labiale chez les singes : neurones communicatifs.). L'étude des activités motrices révèle que les réseaux de neurones permettent non seulement de réaliser une action, mais chez un observateur, ces mêmes réseaux de neurones simulent l'action. Les expériences intersubjectives auraient alors une base motrice créant des liens partagés (Le système de neurones miroirs chez l'homme semble posséder les propriétés suivantes : il code les actes moteurs transitifs et intransitifs ; il est capable de sélectionner aussi bien le type d'acte que la séquence des mouvements qui le composent : « son rôle principal est de nous permettre de comprendre la signification des actes d'autrui »).
Sachant que dans le cadre de la communication, la situation est à la fois langagière et gestuelle et la situation gestuelle est elle-même langagière. La compréhension des intentions d'autrui s'appuie sur la sélection automatique de ces stratégies d'action, qui, sur la base de notre patrimoine moteur, apparaissent chaque fois les plus compatibles avec le scénario observé. Le système des neurones miroirs et la sélectivité de leurs réponses déterminent ainsi un espace d'actions partagées, à l'intérieur duquel chaque acte et chaque chaîne d'actes, les nôtres et ceux d'autrui, apparaissent immédiatement inscrits et compris ». Il en serait de même en situation énonciative. Lors des échanges verbaux et non verbaux, nous réajustons mutuellement nos propos en fonction des différentes compréhensions : il y aurait « mise en miroir » par le jeu du système des neurones miroirs. De cette situation gestuelle et langagière acquise dans son environnement naturel l'enfant marocain confronte à l'école une situation langagière qui n'est pas la sienne et qu'on lui impose (enseignement de la langue arabe classique comme langue maternelle),ainsi s'il n'a pas subi un enfermement il produit non seulement de violence verbale constitutive par exemple d'insultes mais aussi de violence verbale constitutive d'un énoncé déviant au déroulement normé de l'interaction pédagogique et didactique.
M. Jabri estime que le déséquilibre de l'arabe classique remonte à l'ère de sa transcription, et depuis qu'il formait le cadre referenciel de la raison arabe ; à savoir l'époque dans laquelle l'arabe classique se troqua d'une langue bédouine vers le niveau de la science d'une manière artificielle et l'invention de signes afin d'éviter la confusion au sujet de son écriture ... Tout cela ne peut être décrit par moins de la mise en place d'une nouvelle langue arabe classique dénaturées : est ce à La méthodologie de khalil basant sur la sonorité musicale inventa selon les historiens 12305412 mots en regroupant les 28 alphabets dans toutes les combinaisons possible en chassant chaque terme qui ne répond pas à son goût.
Cependant La neurologie nous a appris que, lorsque nous sommes en situation d' interaction, il est nécessaire de savoir prendre de la distance avec son propre interactant et plus globalement avec le contexte lui-même afin de continuer à être maître de son niveau de langue. En milieu scolaire on trouve ici l'un des enjeux fondamentaux de l'interaction pédago-didactique et plus spécifiquement de la relation interpersonnelle. Tandis que la langue arabe ne possède pas des zones de pratiques suffisamment voisines et cohérentes et son fonctionnement énonciatif en interaction (prise en compte de l'autre/des autres et des choses, des circonstances –temps et lieu-).
Cette impuissance linguistique impose alors que l'on utilise d'autres moyens pour imprimer sa marque : on altère, on meurtrit, on casse parce que l'on ne peut se résigner à ne laisser ici-bas aucune trace de son éphémère existence.
L'impuissance linguistique amorce la violence des frontières ; et les frontières sont des points de partage et de séparation, elles traversent désormais le corps, le territoire de l'Etat, la société, la langue. Elles sont les lignes possibles de la violence.
L'impuissance linguistique est La condition confortable et constitutive de la « population non-truchement » relève d'une exclusion constituante de la langue elle-même.
Rinas Bouhamdi