L’association Amghar, sise à Khénifra, organise en coordination avec le Congrès Mondial Amazigh, l’Option Amazighe et avec les associations: Massinissa (Tanger), l’Identité (Nador) et Asidd (Meknes) un colloque national sur le Centenaire du Protectorat Français et Espagnol au Maroc sous le thème: « 1912 – 2012: cent ans de résistance des Amazighs ». Cet événement aura lieu samedi 24 novembre 2012 à partir de 14h à la Chambre de Commerce, de l’Industrie et des Services à Khénifra - Maroc. Les associations amazighes, les militants, les chercheurs et les étudiants sont invités à soutenir par leur présence cet événement d’une portée hautement historique.
Le traité du protectorat français et le traité franco-espagnol imposés au Maroc, constituèrent un tournant décisif dans l’histoire des Amazighs. La conquête de leur territoire fut longue et meurtrière. Les crimes coloniaux, contre un peuple pacifique et sans défense, commis durant 22 ans de résistance amazighe acharnée, ont été passés sous silence. Aujourd’hui, si les blessures semblent cicatrisées, les stigmates persistent. Mêmes les générations actuelles, qui pourtant n’ont pas vécu les affres de cette période inhumaine, continuent de subir leur impact, hérité de grand-père à petit-fils (Grand-père, dis- moi la patrie. Tifawt n°4).
Comment en est-on arrivé là ? Pour le comprendre, le colloque se propose de présenter un éclairage sur ces événements douloureux, longtemps occultés et sur lesquels, un siècle vient de s’écouler. Il ne s’agit pas, aujourd’hui, d’exhumer un cadavre enfoui dans les fins fonds de l’histoire, mais de comprendre qu’il n’existe pas de crime parfait, car la vérité finit, un jour, par éclater, et la justice de reprendre le dessus pour faire valoir le droit. D’un point de vue méthodologique, le colloque apportera une explication au lien qu’il établit entre deux période pourtant distinctes. La première, celle de la destruction systématique des structures socioculturelles et économiques amazighes menée par le protectorat. La seconde, celle de l’indépendance au profit, politiquement et économiquement, de la bourgeoisie citadine, mais qui n’a pas rendu justice à ceux qui ont tout perdu, à cause de leur patriotisme.
Par sa proximité de l’Europe, ses gisements de phosphate, ses mines de fer, ses terres fertiles, une pluviométrie abondante et des cotes de plus de 3500 km, le Maroc devient la cible des grands groupes financiers et industriels français et espagnols, qui exercèrent des pressions politiques sur leurs gouvernements respectifs pour imposer, par des moyens diplomatiques et militaires, leur priorité pour l’exploitation des richesses marocaines.
Signé à Fès, le 30 Mars 1912, il stipule dans son préambule :
« Le gouvernement de la République Française et le gouvernement de Sa Majesté Chérifienne, soucieux d’établir au Maroc un régime régulier, fondé sur l’ordre intérieur et la sécurité générale, qui permettent l’introduction des réformes et assurent le développement économique du pays, sont convenus des dispositions suivantes : …… »
Etabli par le traité franco-espagnol, signé à Madrid, le 27 Novembre 1912. Il stipule dans son article premier :
« Le gouvernement de la République française reconnaît que dans la zone d’influence espagnole, il appartient à l’Espagne de veiller à la tranquillité de la dite zone et de prêter son assistance au gouvernement marocain, pour l’introduction de toutes les réformes administratives, économiques, financières, judiciaires et militaires, dont il a besoin… »
L’article II, du traité du protectorat français, stipule : « Sa majesté Le Sultan admet dès maintenant que le gouvernement français procède, après avoir prévenu le Makhzen, aux occupations militaires du territoire marocain qu’il jugerait nécessaires au maintien de l’ordre et de la sécurité des transactions commerciales et à ce qu’il exerce toute action de police sur terre et dans les eaux marocaines. » En vertu de cet article, les français comme les espagnols entreprennent la conquête militaire du territoire qui dura de 1912 à 1934.
Les imazighen opposèrent une résistance acharnée. A ce propos le général Guillaume, l’un des officiers qui a participé à la conquête du début jusqu’à la fin, écrit : « aucune tribu n’est venue à nous dans un mouvement spontané. Aucune ne s’est soumise sans combattre, et certaines sans avoir épuisé, jusqu’au dernier, leurs moyens de résistance… Les formules chères au maréchal Lyautey « montrer la force pour en éviter l’emploi », «un chantier vaut un bataillon… », ne peuvent s’appliquer intégralement à des populations acharnées à défendre leur indépendance jusqu’à la dernière extrémité… ».
Durant la campagne militaire, de 1912 à 1934, de puissants moyens de mort furent essayés. Leur territoire dévasté, les résistants perdirent sept cents mille morts. Ecrasées militairement et politiquement, leurs potentialités économiques anéanties, les populations amazighes sont réduites à la misère. Marginalisées dans des structures archaïques et figées, elles sont refoulées dans les montagnes et le désert, attachées à leur mode de vie ancestral pour survivre, ou condamnées à l’émigration.
A peine la résistance écrasée, les grands groupes financiers français se ruèrent sur le Maroc. Forts de leur expérience en Algérie et en Tunisie, leur mainmise sur le Maroc fut déterminée et rapide. A leur service, l’Etat procéda à l’organisation du régime politique et administratif, comme moyen de maitrise des outils d’exploitation. Des institutions modernes de finances et de crédits sont mises en place pour assurer et orienter les investissements de capitaux.
Soucieux de garantir le ralliement des nouvelles élites citadines marocaines aux objectifs du traité du protectorat, il est créé un « Comité de Patronage », composé de personnalités politiques françaises influentes, servant de caution morale pour le mouvement des jeunes marocains issues de familles constituant la base historique du Makhzen, dans les villes de Fès, Rabat, Salé et Tétouan, notamment. En Décembre 1934, les autorités du protectorat les autorisèrent à créer un parti politique «le Comité d’Action du Maroc », doté d’une plate forme intitulée « Plan de Réformes Marocaines » et traduite en arabe pour véhiculer, au sein de la société marocaine, les principes et les objectifs du traité du protectorat. En contre partie, le mouvement reçut des autorités françaises l’engagement de considérer « l’arabité du Maroc et son islamité » comme unique fondement de son identité.
Le coup d’Etat de 1953 mit fin au Traité du Protectorat. En 1955, les services de renseignements font état de préparatifs pour un soulèvement armé des tribus amazighes dans les Atlas. Du 22 au 27 Aout 1955, Edgar Faure, Président du Conseil Français ouvre des négociations politiques avec les personnalités politiques marocaines issues en majorité du « Comité d’Action du Maroc » de 1934. Les accords qui sont restés secrets ont porté sur le maintien des intérêts français au Maroc en échange de la reconnaissance par la France de la légitimité politique des leaders descendant des familles makhzeniennes.
Les forces traditionnellement hostiles à l’amazighité du Maroc mènent une action occulte. Malgré leur minorité, ils sont organisés en lobbys. Occupant les centres de décision dans les rouages de l’Etat. Ils profitent de leurs positions solides pour bloquer toute décision officielle, favorable aux droits culturels, économiques et sociaux amazighs. Cette hostilité donne naissance au mouvement amazigh qui mène le combat pour un nouveau contrat social qui renouerait les fils de l’histoire et permettrait ainsi, au présent de retrouver ses racines authentiques. Encouragées par l’évolution favorable des mentalités de la majorité des Marocains sur le sujet, les forces sociales, fières, tout simplement, de ce qu’ils sont, car nourries de valeurs du progrès, développent les liens entre conscience identitaire et respect de la diversité.