Je vous invite à faire connaissance avec le peuple Amazigh. Riche d’une culture plurimillénaire, nourrie de multiples apports, les Amazighs se sont forgée une mémoire et une identité commune qui s’étend des Iles Canaries à l’Egypte, du nord de l’Algérie jusqu‘au sud du Niger. Sur ce sous continent africain, dans ce substrat identitaire historique amazigh, nous retrouvons : Les Amazighophones, les Arabophones et les Canariens. Nous pouvons dire que cette amazighitude* se conjugue de nos jours en amazigh, en arabe amazighien* et en espagnol pour les habitants des Iles Canaries.
Aujourd’hui, le peuple amazigh se bat pacifiquement pour que les pays qui composent la terre d’Amazighie* (Tamazgha) puissent retrouver leur identité historique amazighe qui passe par la co-officialité de la langue amazigh qui s’inscrit dans une légitimité historique et un droit inaliénable. C’est une exigence, une chance et une échéance pour l’avenir des pays de l’Amazighie*.
Quelques repères historiques
Les Amazighs pluriels de Amazigh qui signifie «homme libre, constituent un des peuples les plus anciens du continent africain. Leur présence en Amazighie (Afrique du Nord) remonte à la plus haute antiquité.C’est le premier peuple à s’établir dans ce sous continent de l’Afrique. Il est le peuple autochtone de cette région.
Grâce à son peuplement amazigh qui remonte à la préhistoire, l’Amazighie* possède une unité culturelle. L’homme amazigh tire ses origines de deux éléments essentiels : Les « Pré méditerranéens » et Les hommes d’Afalou « Groupe de l’homo sapiens » De 5000 à 8000 & de 8000 à 12000 av. le présent. (Cf : Les Premiers Berbères par M. Hachid.
Edisud).
Les Apports et l’identité
Tout au cours de l’histoire, les Amazighs ont reçu différents apports qui ont nourri leur personnalité et leur culture. Ces apports ne peuvent pas constituer des identités. Les Amazighs avant d’être confrontés aux Phéniciens, aux Romains, aux Byzantins, aux Vandales, aux Arabes, aux Turcs et aux Européens, avant de parler et d’écrire en punique, latin, grecque, arabe, français, espagnole, italien, avant d’adopter les trois religions monothéistes, étaient des Amazighs, parlaient et écrivaient en amazigh tout naturellement.
C’est cette amazighitude* qui tire ses racines du substrat amazigh qui a forgé les différentes identités nationales des pays de l’Amazighie* (Afrique du Nord).
C’est cette conception de l’identité historique enracinée dans les pays de l’Amazighie* qui doit être consacrée. Elle ne peut pas être une dimension parmi tant d’autres. (Arabité, islamité, francité, latinité, chrétienté…), elle est l’identité. On peut donc considérer que les Amazighophones, les Arabophones de l’Amazighie* et les Canariens se fondent dans la même identité historique amazighe. Ce sont tous des Amazighs.
La Question Amazighe dans l’Algérie Indépendante
Au lendemain de son indépendance, l’Algérie s’attendait à ce que sa première langue historique, l’amazigh, prenne la place légitime officielle qui lui revient dans toutes les instances étatiques et en particulier l’enseignement et l’administration. Malheureusement il n’en fut rien.
Après avoir saigné la Kabylie et la région d’Alger dans les années qui suivirent l’indépendance (lutte des clans pour le pouvoir, opposition du F.F.S), le régime FLN avec la collusion de l’armée des frontières s’inspirant de l’idéologie du Baath panarabisme (Iraq, Syrie…) s’est imposé en parti unique dictatorial et provoqua l’exclusion des Algériens amazighophones par le déni de reconnaissance de leur langue maternelle.
Son but étant d’éliminer totalement toute trace d’amazighitude, porteuse de valeurs démocratiques. Pour atteindre cet objectif d’aliénation et de génocide culturel, le régime dictatorial issu du clan d’Oujda a imposé une « arabêtisation » forcée des populations,
dans les médias, l’administration et plus particulièrement dans l’enseignement en faisant appel aux services d’enseignants mercenaires des « pays frères » du Moyen-Orient (Iraq, Syrie, Egypte, Palestine).
Cette arabisation menée en arabe littéraire dans l’Education Nationale (langue incomprise des populations algériennes, quelles soient amazighophones ou arabophones) fut forgée par des politiques et des intellectuels en mal d’utopie. Elle répondait à un mythe de langue commune supranationale du « monde arabe ». Elle remplit le statut de langue idéologique du Baath, de langue nationale officielle d’Etat, alors que la réalité linguistique du pays est tout autre :
Le paysage linguistique de l’Algérie et des pays de l’Amazighie comprend :
· Deux langues nationales du peuple, l’amazigh et l’arabe amazighien*.
· Le français, héritage historique, étant une langue de communication.
Il aurait été judicieux dès l’indépendance du pays d’inscrire dans les textes officiels, l’amazigh et l’arabe amazighien* comme langues nationales officielles dans la perspective de leur modernisation progressive notamment dans les domaines technique et scientifique afin de les introduire progressivement dans l’enseignement, tout en conservant à la langue française son statut de langue privilégiée.
Origines du Mouvement Amazigh en France
Malgré des tentatives isolées de défense de la langue amazighe en Algérie notamment par des pétitions et la création de comités de soutien en faveur de l’enseignement de la langue amazighe (CRAPE-F.D.B-CCB de Ben Aknoun-RTA cours de Berbère à la faculté d’Alger dispensés par feu Mouloud Mammeri…), le pourvoir en place avec sa répression farouche et sans aucune concession a empêcher d'aboutir toutes ces initiatives qui se sont alors déplacées dans l’émigration où le terrain semblait plus favorable.
C’est ainsi que l’année 1966 a vu la création de l’Académie Berbère « Agraw Imazighen » qui sera dissoute en 1978. Cette association française régie par la Loi 1901 fût fondée par quelques intellectuels Franco Kabyles dont Rahmani Abdelkader, Hanouz Med Saïd, Naroun Amar, Khelifati Med Amokrane, Marguerite Taous Amrouche…
A partir des années 1969/75, le bureau de cette académie comprenait : Un Président :
Hanouz Med Saïd, pharmacien, un Vice-président : Youssef Achour, Ancien Sous-préfet et Sénateur, un Secrétaire Général : Hamici Hamid, animateur de la chaîne de radio kabyle, une Trésorière Mme Mina Charlette. Bessaoud Med Arab assurait les fonctions de secrétaire de l’association où il a élu domicile au siège de l’Académie 5 rue d’Uzès Paris.
L’Académie berbère avait été durant une dizaine d’années le rendez-vous de toute une génération de militants amazighs mobilisés pour la défense et la réhabilitation de l’identité amazighe dans les pays de d’Amazighie* (Afrique du Nord).
Le premier travail de vulgarisation de l’histoire et de l’alphabet amazigh Tifinnegh, la conception du drapeau, celui de sensibilisation et de conscientisation des populations ont été principalement l’oeuvre de l’Académie Berbère « Agraw Imazighen » de Paris, de l’Académie Berbère de Roubaix fondée par moi-même en 1971 ainsi que de l’Union du Peuple Amazigh (UPA) fondée en 1974 par le regretté et ami Amar Neggadi. (Amar ACHAOUI)
En Algérie, le comité de conception général animé par le regretté Haroun Mohamed, grand militant de l’amazighitude a pris le relai de l’Académie berbère « Agraw Imazighen »
L’Académie berbère Agraw Imazighen diffusait des messages basés sur la vulgarisation de l’histoire, la réhabilitation des grands personnages et autres héros de l’histoire et de la civilisation amazighes. Elle avait eu l’intelligence de réhabiliter l’alphabet amazigh Tifinagh qui avait servi de support à la prise de conscience identitaire amazighe. C’est ainsi qu’elle a su redonner la fierté à tous les Amazighs d’Afrique du Nord et des Iles Canaries.
Toutes les générations qui ont suivi le Printemps amazigh de 1980 lui doivent leur conscientisation politique et identitaire. Aujourd’hui, nous pouvons dire que cette Académie a rempli sa mission avec succès. Face aux menaces et aux pressions incessantes sur l’immigration algérienne par l’Amicale des Algériens en Europe, cordon ombilicale du néo FLN, les militants de l’Académie ont accompli avec courage et acharnement la tâche de sensibilisation et de réhabilitation de la langue amazighe, de son alphabet Tifinagh officiellement utilisé dans les écoles pour l'enseignement de la langue amazighe au Maroc.
Grâce à ce travail militant bienveillant de sensibilisation et de conscientisation, les Amazighs se sont forgés aujourd’hui une mémoire et une identité commune qui s'étend de l'Egypte aux Iles Canaries, du nord de l’Algérie au sud du Niger.
Quand trop de sécheresse brule les coeurs,
Quand la faim tord trop d’entrailles
Quand on rentre trop de larmes,
Quand on baillonne trop de rêves,
C’est comme quand on ajoute bois sur bois sur le bucher A la fin, il suffit du bout de bois d’un esclave
Pour faire dans le ciel de dieu et dans le coeur des hommes Le plus énorme incendie
Mouloud Mammeri
Le Printemps berbère est le résultat d’un travail persévérant des militants de l’Académie berbère « Agraw Imazighen et de tous les autres mouvements cités plu haut. Le 20 avril marque le premier mouvement populaire revendiquant l'officialisation de la langue amazighe, la reconnaissance de l'identité historique amazighe, la liberté d’expression, la démocratie et le respect des droits de l’homme en Algérie.
Ce mouvement fait suite à l’interdiction d’une conférence de l’écrivain Mouloud Mammeri le 10 mars 1980 à l’université de Tizi-Ouzou. Il s'agit du premier mouvement d’essence démocratique de toute une région en opposition au pouvoir dictatorial d’Alger depuis l'indépendance en 1962. Le Printemps berbère a ouvert la voie à une remise en cause de l’idéologie arabo-islamiste du pouvoir. C’est ce mouvement populaire de contestation qui a donné naissance aux émeutes de Constantine en 1986 et d'Alger en Octobre 1988 et qui par ricochet a donné naissance au multipartisme.
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C’est en cela que le printemps berbère est avant tout le combat identitaire de tout un peuple pour la reconnaissance de sa langue, pour la réhabilitation de son identité historique, pour la démocratie et le respect des droits de l’homme en l’Algérie et par extension dans tous les pays d’Amazighie*.
Un combat identitaire pacifique mais toujours d’actualité, sans doute sous de nouvelles formes présentes ou à inventer, une lutte qui a déjà engendré plusieurs mouvements démocratique y compris au Maroc et dans les autres pays (Lybie, Niger, Mali…)
Cette prise de conscience identitaire s’est étendue dans les pays voisins comme le Maroc, la Lybie, les Iles Canaries où le printemps amazigh (berbère) est commémoré chaque année par les nombreuses associations amazighes.
Le mouvement des Citoyens « Les Archs »
Le printemps noir de 2001 a vu 126 jeunes manifestants tombés sous les balles de la gendarmerie algérienne aux ordres d’un pouvoir dictatorial et mafieux qui tue ses propres enfants. Les grandes manifestations populaires événements du Printemps noir auront eu pour conséquence d’inscrire la langue amazighe dans la constitution avec le statut de langue nationale. Une reconnaissance purement symbolique dont le seul but était de calmer la population de Kabylie.
La terreur commencée avec l’assassinat de Guermah Massinissa dans une gendarmerie, peut se reproduire. Le chef de l’Etat lui-même insensible aux revendications de toute une population dit ignorer ce qui s’est passé. Dans plusieurs de ses discours, il déclare que tous les Algériens sont des Amazighs. La société reste en effet bloquée et les droits des amazighophones sont toujours écartés par un pouvoir mafieux qui a trompé le peuple et sa jeunesse malgré quelques acquis arrachés par le sacrifice de 126 Martyrs.
C’est cette politique « d’arabêtisation » au détriment des langues nationales, l’amazigh et l’arabe amazighien qui a fait le lit de l’intégrisme islamique et qui a provoqué l’échec du système éducatif de tous les pays amazighiens* en poussant les jeunes à quitter leur pays pour s’expatrier en Europe au risque de leur vie par noyade en mer.
DES PROGRES EN ALGERIE ET AU MAROC ET LA LUTTE CONTINUE
L’espoir est permis. Création du HCA en 1994 en Algérie et de l’IRCAM en 2002 au Maroc. Le printemps démocratique des peuples d’Amazighie a inscrit l’officialisation de la langue amazighe depuis juillet 2011 au Maroc. Il a accueilli le réveil des peuples amazighs de Libye, du Mali et leurs justes revendications territoriales (AZAWAD) identitaires et culturelles. Dans tous les pays d’Amazighie*- Afrique du nord, des étudiants, des jeunes et moins jeunes continuent le combat, pacifiquement sous des formes variées avec de nouvelles stratégies.
Des mouvements naissent. De multitudes associations se sont crées à l’intérieur du pays, en Europe, en Amérique, et un peu partout dans le monde. Toutes les instances internationales sont investies par de nombreux militants amazighs organisés en ONG et internationalisent le combat identitaire du peuple amazigh.
« Quels que soient les obstacles que l’histoire lui apportera, c’est dans le sens de sa libération que mon peuple, et à travers lui les autres, ira. L’ignorance, les préjugés, l’inculture peuvent un instant entraver ce libre mouvement mais il est sûr que le jour inévitablement viendra où l’on distinguera la vérité de ses faux-semblants. Tout le reste est littérature. Mouloud MAMMERI
En conclusion nous pouvons dire que les Amazighs dans leur combat identitaire sont décidés à réhabiliter et à se réapproprier leur identité historique amazighe sur toute l’aire d’Amazighie, la terre de leurs ancêtres. Cette revendication pacifique s’inscrit dans une légitimité historique et un droit naturel inaliénable. Celle-ci passe par l’officialité de leur langue et la reconnaissance de leurs droits conformément à la déclaration des droits de l’homme. Cette révolution pacifique est aussi leur façon de dire aux dirigeants de leurs pays qu’ils ne se laisseront plus marginaliser, qu’aucune conception de l’avenir ne peut se faire sans eux et sans la connaissance et la fierté du passé de leurs ancêtres. Ils les invitent à d’abandonner l’idéologie arabo islamo baâthiste obscurantiste et meurtrière qui entrave la construction de l’Union Amazighienne démocratique qu’ils appellent de leur voeux. Ils exigent de ces gouvernants des Etats démocratiques respectueux des droits de l’homme. C’est ainsi qu’ils pourront s’inscrire dans la course universelle de l’intelligence humaine. C’est une exigence, une chance et une échéance pour l’avenir des pays de l’Amazighie*- Afrique du Nord.