Placée dans le même contexte que d’autres événements, l’attaque sauvage commise par un représentant du PJD (Parti de Justice et Développement) sur l’enseignant Ahmed Mouachi (Professeur de philosophie et activiste amazigh membre de l’association Tamaynut, grande association amazighe au Maroc), nous pousse à tirer la sonnette d’alarme.
On se doit de poser des interrogations sur ce qui se passe autour de nous depuis quelque temps. M. Mouachi a publié, après autorisation de la direction du lycée ou il travaille, une affiche sur une activité qu’il compte animer dans une salle municipale de la ville de Taroudant, dans le sud du Maroc. Un enseignant de l’éducation islamique et membre du PJD s’est permis d’arracher la dite affiche. Au moment Où M. Mouachi s’apprêtait à la remplacer, il a été surpris par deux personnes, dont le membre du PJD, qui l’ont alors agressé physiquement et moralement.
Cet événement serait passé inaperçu, si le PJD n’était pas au pouvoir. Il serait alors considéré comme un acte isolé commis par une personne inconsciente. Mais le pire est que ce genre d’agissement ne cesse de se produire depuis l’arrivée de ce parti au pouvoir. Dans diverses régions du pays, des jeunes issus de ce parti constituent des comités qui osent parfois arrêter les citoyens et leurs demandent leurs pièces d’identité. Ils brutalisent les personnes qui s’approchent des lieux de prostitution dans la région d’Aïn-Louh d’où ils ont délogé et chassée des femmes, soi-disant parce qu’elles ne seraient pas issues de la ville. Ces activités sont bien organisées et émanent du mouvement de prédication Attawhid Wa Alislah (Unicité et Réforme) réputé proche du PJD au pouvoir. Ceci ne peut se produire sans que les Services de sécurité, réputés pour leur efficacité dans ce genre de dossier, soient au courant.
Tous ces comportements ne se seraient pas produits si un nouveau contexte n’est pas apparu. Un contexte où beaucoup de personnes proches d’un certain courant politique voient l’occasion pour s’attaquer à la société, imposer leur tutelle sur les citoyens et monopoliser l’espace public. Ceci constitue, sans doute, un grave danger pour la stabilité du pays.
Dans cette situation, nous sommes en droit de poser quelques questions. Si le PJD a bien la gestion de la vie publique, il n’a qu’à user de ses moyens de pouvoir pour imposer ce qu’il pense être juste suivant ses orientations idéologiques et religieuses ? Mustapha Ramid, ministre PJD de la Justice et des Liberté (Quelle ambition !!) a déclaré qu’un gouvernement dont il ferait parti, n’accepterait jamais d’accorder de nouvelles licences de vente d’alcool. Mais voilà que les sympathisants de son aile prédicative, ne cessent d’organiser la contestation devant les restaurants et les commerces qui viennent d’obtenir cette licence à Sidi Kacem, Kenitra et Agadir. Pourquoi le gouvernement ne tient pas sa promesse et épargne ainsi à ses partisans la peine de manifester ? De même pour les festivals que les membres et les leaders du PJD n’arrêtent de contester, relayés aujourd’hui par leurs supplétifs, les considérant comme des nids de prostitution et de débauche. Qu’attend le gouvernement pour décréter leur interdiction en conformité avec l’idéologie du parti majoritaire du PJD ? Les islamistes croient qu’il leur suffit d’avoir obtenu les voix d’une minorité du corps électoral lors du dernier scrutin pour imposer leur idéologie et leurs choix à toute la société. C’est l’un des signaux de leur faiblesse et de leur manque d’expérience.
Certains ministres du gouvernement actuel comptent parmi les premiers à avoir utilisé l’alphabet Tifinagh (amazigh) sur les devantures de leurs établissements, ces lettres que le premier d’entre eux a qualifiées de «chinoiserie ». Le PJD a même utilisé l’alphabet à grande échelle lors de la dernière compagne électorale. Comment donc, un membre de ce parti ose-t-il s’attaquer à un militant amazigh et lui interdire de communiquer avec les autres ? Comment expliquer cet écart entre l’attitude des dirigeants du parti et celle de leurs partisans dans les régions ? Y’aurait t’il un schisme et un début d’indiscipline au sein du parti ? Ou ne serait ce qu’un jeu de rôles ?
- Les islamistes, de plus en plus ingérant dans la vie des gens, ne semblent pas avoir compris qu’ils sont arrivés aux responsabilités grâce à la mobilisation populaire qui a appelé à combatte la corruption et mettre fin au despotisme. Jamais les gens n’avaient appelé de leurs vœux l’avènement d’un système religieux qui met sous tutelle la vie culturelle, artistique et même les choix
vestimentaires et alimentaires. Ils ne veulent donc pas des dictats d’une minorité de religieux qui impose son mode de vie, qu’elle a d’ailleurs le droit d’avoir, sur la majorité de la population.
- Le vrai défit face auquel les islamistes doivent se battre est celui de répondre aux revendications qui ont mobilisé les Marocains, et non s’enfermer dans leurs objectifs étroits. Jamais personne, au sein du mouvement du 20 février, n’a appelé à l’interdiction des festivals de musique, à la prohibition de l’alcool ou encore à l’interdiction d’écrire en Tifinagh.
- Les islamistes se trouvent aujourd’hui face à trois choix : d’abord, s’essayer à une islamisation forcée de la société à travers des décisions administratives tyranniques, ce qui est improbable vu qu’il susciterait la réaction des forces démocratiques, qui, en majorité, ne se sentent pas encore en danger. Deuxièmement, continuer à provoquer les troubles en incitant les courants islamistes prédicatifs les plus extrémistes à jouer leur rôle de provocateurs. Agir ainsi ne peut que menacer la stabilité de la société et créer les conflits. Toutefois le gouvernement peut s’attaquer à la corruption et au clientélisme, donner du travail aux chômeurs, combattre la pauvreté, encourager le développement du monde rural et réduire la marge du pouvoir hégémonique. Il peut aussi faire une bonne lecture de la nouvelle constitution, en tenant compte du respect total des droits humains indivisibles tel qu’ils sont reconnus universellement. Ceci est à notre avis, le meilleur moyen pour les islamistes de conserver leur poids électoral pour les prochains suffrages. Le PJD n’a pas encore clarifié ses choix stratégiques entre apporte des réponses aux attentes de la société ou se laisser attirer par ses penchants extrémistes. En attendant, il y’a urgence de créer un front des forces démocratiques de veille, de suivi, puis de mobilisation pour affronter toute tentative de retour sur les acquis.
Traduit de l’arabe d’un article d’Ahmed Assid Paru dans www.iwipress.com
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