Il n’y a pas de chemin vers l’horizon. La cruauté des montagnes nous encercle de partout. L’hivers a eu raison de nos bêtes et de nos récoltes. Nos aspirations à la vie sur cette terre, la notre, sont avortées par le temps et l’attente du néant. Nous somme restés à pleurer sur le drame d’une vie dont nous sommes spectateurs.
Sur cette terre où le fils du berger n’a pas droit de rêver de l’avenir. Là où ils nous ont enterré comme ils ont su enterré les rêves de cette terre blessée. Là où ils nous ont laissé gisant dans le sang de nos blessures. Là où ils nous ont abandonné à la merci de l’oubli et de l’injustice. Là où ils ont torturé les rêves de notre terre. Celle qui nous a enfanté, après tant d’avortements et de trahisons qu’elle a subit, et qu’elle subit d’avantage chaque jour.
Nous avons survécu sous les chaussures de l’étranger. Une âme rebelle d’entre nous avait osé ne plus se prosterner. Dire non en face d’un monde qui ignorait notre existence. A la surprise générale, la vie courrait encore dans nos veines. Après tant d’années de souffrance, nous nous sommes rendus compte qu’on est encore en vie.
Le souvenir de ce bel étranger venant de loin nous hante encore, torturant davantage les esprits et les âmes. Celui qui avait demandé à nos parents de fermer les yeux et de prier. A prêcher la bonne parole, celle de la générosité et de la modestie. Des temps et des saisons se sont succédés. Des âmes ont péries. Des vies ont été avalé par l’horizon et la misère des terres du nord. On leur a apprit à baisser les yeux. A marcher sans faire de bruit. A ne plus exister de préférence.
Un jour, la cruauté de l’hivers nous a obligé à ouvrir les yeux au milieu du froid et l’obscurité de nos tombes. Au milieu de ces montagnes du mépris. Ces yeux qui sommeillaient depuis bien longtemps. Trop longtemps pour que le vieil olivier qui protégeait la place du village soit sacrifié en l’honneur de ces marchands de sable venus de nul part.
Durant tout ce temps, nous avons vu nos parents mourir. Nous nous sommes regardé vieillir au milieu du printemps de notre jeunesse. On s’est rendu compte qu’au moment où nous prions les yeux fermés, notre terre nous a été confisqué. Elle n’est plus à nous. Nous sommes devenus étrangers au milieu de ces montagnes qui nous ont mis au monde. Elle nous a été confisquée par ces mêmes gens qui nous ont dit que notre terre est stérile, n’enfantant que le malheur. Qu’elle n’est bonne que pour en faire un cimetière, où au meilleur des cas un endroit où les peaux blanches peuvent y dorer leurs peaux.
Nos parents ont cru à cette histoire. Les marchands de sables ont débattu leur jeunesse dans les mines des terres du nord. Là où le soleil ne se lève pas. Là où la vie les a abandonné à la cruauté de l’exile.
Nos parents sont partis. Nos mères, elles, s’accrochaient désespérément à leurs prières et leurs montagnes. Elles pleuraient en silence, voyant notre terre, une des leurs, violée, déchiquetée et démembrée. Ma terre a été détruite. Ils l’ont partagé entre eux. Son sourire n’est plus. Son ventre a trop souffert.
Avec leurs machines et leur bombes, ils l’ont torturé. Ils l’ont défiguré. Avec ça, ils nous ont confisqué le droit de vivre entre ses bras. Une terre épuisée, des parents qui ont périe. Nous sommes proies à l’abandon et l’injustice.
Nous avons trop fermé les yeux à prier et nous avons oublié que le crie de justice est une prière aussi. Le crie de justice pour cette terre généreuse. Cette mère désarmée regardant ses enfants mourir de soif, de froid et de faim. Cette terre obligée de voir ses enfants partir vers l’inconnu sans certitude d’un retour. Cette colline condamnée à l’attente.
Imidder, cette voix sincère qui se lève. Qui refuse désormais de se prosterner, de se plier au silence de l’injustice.
Imidder et ses gens. Ses femmes, ses hommes et ses enfants. Cette conscience qui nous interpelle, qui nous oblige à revivre, à crier notre douleur, à ne plus subir la cruauté des saisons. A ne plus croire en les promesses de ces gens venus d’ailleurs. Ces gens, en costume cravate, qui nous regardent de haut, qui ne nous portent que du mépris dans leurs cœurs (s’ils en ont). Ces ombres pour qui notre terre n’est qu’une prostituée qui subit sont destin. Ces gens qu’ont usé de notre innocence, notre foi, et notre sourire naïf. Ces gens qui ne voient en nous que des mains d’œuvres prêtes à dé-ventrer leurs terre sans se poser de question. Sans réclamer ni droit, ni explication.
Imidder, l’âme et la dignité de nos montagnes. Celles qui ont enfanté Assou Oubasslam, Adjou Mouhe et Zayde Ouhmade.
Imidder, cette conscience qui nous poursuit, qui nous oblige à ouvrir ces yeux qu’on a trop fermé. Crier aux yeux du monde qu’ à la surface de cette terre désabusée, on a oublié qu’il y a des femmes, des enfants et des hommes qui y vivent et qui refusent désormais voir leurs terre maltraitée. Que ces montagnes sont trop fiers pour qu’on les offre dans des plateaux «d’argent» à n’importe qui.
Imidder, cette voix qui nous demande de prier les yeux ouverts, en ayant mis notre terre à l’abris de ces vautours qui l’ont longtemps torturé.
Pour Imidder cette âme libre qui a osé brisé le silence qui étouffaient nos collines…
Hassan Oumada