(« Di Dewla n Ripublik », comme on dit toujours dans le Rif et dans les autres régions du Maroc lorsqu’on évoque la République du Rif). Téléchargement libre et gratuit et impression strictement à usage personnel (l'auteur) : Télécharger « Muhend Abdelkrim - Di Dewla n Ripublik »
La République du Rif a été édifiée en février 1923 dans le combat, l’honneur et l’intelligence. Elle a été, avant l’heure, l’élément déclencheur du mouvement mondial de décolonisation engagé à la fin des années 40.
Bâtie à partir des tribus autonomes confédérées du Rif, la République du Rif a intégré avec succès, en seulement trois années et des moyens limités, des apports externes considérables et édifié un Etat et une armée modernes.
Muhend Abdelkrim n At Khettab n At Yusef U Aâli, de la tribu des At Waryayen, plus connu à l’extérieur sous le nom de « Mohamed Abdelkrim El Khettabi », en a été l’artisan et l’organisateur principal. Il a réussi à faire une synthèse efficace de l’organisation sociale communautaire Amazigh, du réformisme musulman et de la modernité espagnole, dans une dynamique d’adhésion populaire et de mobilisation sans précédent.
Pour l’aspect militaire, le peuple rifain en armes a battu l’armée espagnole, battu l’armée française et engagé ensuite un projet de modernisation de la société à tous les niveaux où chaque citoyen tenait aussi bien le fusil que la faucille.
Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas plus les 100 000 soldats espagnols, les 350 000 soldats français, les 44 bataillons et les dizaines de généraux, les 73 avions de guerre et les 11307 bombes, dont certaines au gaz moutarde ypérite, larguées sur le Rif sous les ordres du Maréchal Lyautey puis du Maréchal Pétain, qui ont cassé en 1926 la jeune République rifaine.
La mise en échec de la République du Rif dans son élan de libération et d’émancipation, depuis le foyer du Rif, de tout le Maroc de « Ajdir jusqu’à Agadir » puis de l’ensemble de Tamazgha, est due principalement aux forces rétrogrades arabo-islamistes portées par l’action néfaste du sultan Alaouite et des zaouias gangrénées, certes, par les « Bureaux des affaires indigènes» français et les « Oficinas de indigénas » espagnoles.
En 1927, Muhend Abdelkrim reconnaissait lui-même que parmi les principales causes de la défaite rifaine, « Les cheikhs se sont opposés à moi […] Je dois préciser que je n’ai trouvé au Rif aucun encouragement à réaliser mes projets de réformes. Seuls quelques groupuscules […] m’ont compris et m’ont soutenu…» (« Ugur ameqran zdat tanekra n Arif, yusa-d seg wid i yesqedcen ddin ineslem […] lecyax akked curafa kkren-d d ixsimen-iw […] taggara ur ufiy wid yef zemrey ad sendey akken ad as-nbeddel udem, ad d-neslal tamurt n Arif tamaynut… »).
L’alliance objective du sultan Moulay Yusef et de la France, après l’ignoble appel en 1911 à l’intervention de la France par son frère Moulay Abdelhafid qui a conduit au protectorat français en 1912, a transformé plus tard la lutte de libération (d’un côté les nationalistes rifains et de l’autres les colonisateurs français et espagnols), en une guerre civile entre marocains, afin sauvegarder le trône Alaouite et la colonie.
Le sultan Moulay Yusef a envoyé des soldats marocains du Makhzen pour combattre les rifains ; il a fait lire son appel dans les mosquées et les marchés de Fes, de Taza et de la région pour inciter les marocains à ne pas suivre Abdelkrim et à le combattre. En 1925, il a demandé plus de fermeté à la France : « Je ne veux pas traiter avec Abdelkrim, j’espère que vous débarrasserez le Maroc de ce rebelle».
Lorsqu’en 1925 le peuple rifain en armes avec l’armée régulière rifaine ont engagé le mouvement de déploiement vers le sud pour sortir du Rif et s’étendre à tout le Maroc à partir des régions de Taza, Fes et Ouezzane en soulevant dans leur mouvement les tribus, pour finalement engager tout le Maroc dans la guerre de libération, l’action du sultan et de ses complices dans la bourgeoisie Fassi a déjà gangréné la société. Des défections multiples de villages et de tribus ont mené à des combats fratricides et mis un frein à l’action fulgurante des libérateurs rifains.
L’ouvrage ‘Di dewla n Ripublik’ reprend les étapes principales du soulèvement, l’organisation de la guérilla et la construction de la république rifaine en expliquant, de l’intérieur, les mécanismes de la société amazigh dans ses réflexes de mobilisation, d’autonomie et d’efficacité à intégrer de nouveaux concepts militaires (commandement unifié, guérilla, mobilité, entrainements, défense de positions,…) et d’édification d’une république moderne non coupée culturellement de ses racines amazigh (assemblée issue des tribus, organisation de la justice, création de la prison républicaine inconnue jusque-là en pays amazigh, réseaux de communication, …).
Cet ouvrage vient combler les lacunes des études et ouvrages qui ont été publiés jusque-là sur cette période plus que jamais d’actualité pour l’Afrique du Nord.
Il montre Comment la complicité de la dynastie Alaouite avec le colonialisme français a évolué ensuite depuis la guerre du Rif, détourné le mouvement de libération national au Maroc et de l’Afrique du Nord, cher à Muhend Abdelkrim, en intégrant le parti Istiqlal dans leur vision commune arabo-islamique(*).
L’indépendance du Maroc octroyée en 1957 a été la négation du combat d’Anwal et de la République du Rif. L’action du Makhzen a été la continuité de la politique Arabe de la France, du Royaume Arabe de Napoléon III et du modèle de société archaïque imposé par la force, la ruse et la mystification du pouvoir par les monarques et la bourgeoisie citadine arabo-islamique.
Aujourd’hui, la République du Rif constitue pour l’ensemble de Tamazgha (Afrique du Nord, Grand Maghreb, etc.), un repère historique et une perspective d’une actualité remarquable.
L’expérience rifaine a démontré que la culture du peuple est primordiale dans tout projet de société, dans ses luttes défensives comme dans ses projets d’édification et de progrès.
L’ouvrage ‘Di Dewla n Ripublik’ se termine par une réflexion de Muhend Abdelkrim porteuse d’espoir : « …Nek zriy, ayen akk sarmey taggara ad idru, akken ibyu yiyzif umecwar, d tamara ad d-isiwed /… je suis convaincu que mes espoirs seront réalisés, tôt ou tard, par la force même des choses…).
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(*) Note : Il ne s’agit pas ici d’éthnie puisque les monarques marocains sont éthniquement Amazigh comme la grande majorité des habitants de l’Afrique du Nord, qu’ils soient amazighophones ou arabophones. L’actuel Roi, Mohamed VI, ne devrait avoir aucun complexe sur sa marocanité/amazighité ; sa mère, Fatima Amehruq U Hemmu, est issue de la famille du célèbre résistant à la colonisation, Muha U Hemmu n Izayen, du Moyen Atlas, mort au combat à Tawejgalt en 1921. Elle est totalement amazighophone. L’arabo-islamisme s’entend ici comme idéologie raciste, porteuse d’une vision réductrice du monde et de l’Humanité. En Afrique du Nord, les peuples mènenent les luttes, l’arabo-islamisme tire les dividendes ; il agit comme back office du sacrifice des peuples !A propos de l’auteur :Aumer U Lamara est docteur d’Etat ès Sciences Physiques. Il a été élève du cours de berbère de Mouloud Mammeri à l’Université d’Alger. Il a été enseignant-chercheur physicien dans plusieurs universités et écoles d’ingénieurs. Il est actuellement cadre dans une compagnie industrielle multinationale.
Il a déjà publié en langue Tamaziyt :
1. Iberdan n Tissas, biographie militante de Mesâaud At Ammar (Oulamara), officier de l’ALN, 1934-1965, ed. Le Pas Sage, Alger 2007.
2. Agellid n Times, roman, internet 2007 ; à paraître aux éditions Achab, Tizi ouzou.
3. Tullianum – Taggara n Yugurten, roman historique, internet et Haut Commissariat à L’Amazighité (HCA), Alger 2009
4. Omaha Beach – Ass-a d Wussan, roman, internet et éd. du Festival National du Film Amazigh, Alger 2010
5. Muhend Abdelkrim – ‘Di dewla n Ripublik’, Etude historique sur la Guerre du Rif et la République Rifaine, internet 2011, à paraître aux éditions Achab, Tizi ouzou.