Le Conseil Fédéral international (CF) du Congrès Mondial Amazigh (CMA) a tenu sa session annuelle ordinaire les 18 et 19 décembre 2010 à Marrakech (Maroc). Ont pris part à cet important rendez-vous, les délégations représentant le Maroc, l’Algérie, l’Archipel des Canaries, la Libye, les Kel Tamacheq (pays Touareg) et la diaspora. Les membres du CF ont décidé de dédier leur réunion à leurs collègues M’Hamed Hamrani décédé en novembre 2009 à Tripoli en Libye et à Chakib El-Kheyari, emprisonné arbitrairement au Maroc depuis le mois de février 2009.
Les Conseillers Fédéraux du CMA ont ensuite examiné la situation des droits des Amazighs dans les différents pays. Le constat établi est que si certains discours officiels prononcés sur les places internationales peuvent apparaitre comme favorables aux droits humains, ils cachent très mal une réalité faite de négation et d’occultation de l’identité amazighe et de graves violations des droits élémentaires et des libertés fondamentales individuels et collectifs des Amazighs.
Au Maroc, le CF a fermement dénoncé l’incarcération abusive de Chakib El-Kheyari, membre du CF du CMA. C’est une injustice flagrante car Chakib n’a fait que son devoir de citoyen et de défenseur des droits humains qui militait contre le trafic de drogue et la corruption dans lesquels sont impliqués de hauts responsables de l’armée, de la police et de l’administration marocaines. Il est aberrant de condamner un innocent et de laisser en liberté des hors-la-loi. De même, les membres du CF ont condamné le maintien en détention des jeunes membres du mouvement culturel Amazigh, jugés lors d’un procès particulièrement inéquitable. Il est temps que le Maroc abandonne ses réflexes répressifs des années noires et libère sans délai les prisonniers politiques Chakib El-Kheyari, Mustapha Oussaya et Hamid Ouadouch. Dans le domaine culturel et linguistique, le CF a également fait le constat des reculs notamment dans le domaine de l’enseignement de la langue amazighe et de l’obstination de l’Etat à refuser la reconnaissance de Tamazight comme langue officielle. A ce sujet, le CMA exige une nouvelle fois l’application des récentes recommandations du Comité des Nations Unies pour l’élimination du racisme et des discriminations raciales (CERD).
En Algérie le CF a dénoncé les graves violations des libertés fondamentales et les atteintes au droit, caractérisées par les poursuites judiciaires à l’encontre des non-jeûneurs pendant le ramadhan 2010 et les condamnations de citoyens algériens de confession chrétienne, le refus de l’administration de délivrer les agréments pour la Ligue amazighe des droits humains et l’association des femmes de Kabylie, les interdits visant les activités des associations, notamment celles organisées par le CMA en 2008, 2009 et 2010, ainsi que les harcèlements policiers et judiciaires des militants du Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie (MAK). La région de Kabylie est particulièrement victime du pouvoir algérien qui y empêche toute activité citoyenne indépendante tout en favorisant l’insécurité, la militarisation et la paupérisation. La situation actuelle est porteuse de graves dangers car elle ne laisse au peuple que la révolte comme ultime mode d’expression.
Dans l’Archipel des Canaries, le peuple autochtone Canarien continue de subir la colonisation espagnole qui le prive de ses ressources naturelles et de son identité socioculturelle. En conséquence le CMA réaffirme son soutien à la revendication du droit à l’autodétermination du peuple Canarien.
En pays Touareg, notamment au Niger et au Mali, les promesses contenues dans les différents accords signés entre les représentants Touaregs et les Etats depuis le début des années 1990 sont pour l’essentiel, restées sans effet. Les populations survivent entre l’enclume de la sécheresse et les marteaux des Etats et des multinationales qui occupent leurs territoires et pillent leurs richesses naturelles. Et lorsque certains Touaregs tentent de s’organiser pour tirer les sonnettes d’alarme, les Etats sont toujours prompts à les réprimer violemment, comme cela s’est passé au mois d’octobre dernier lorsque des jeunes de la région du Nord-Mali ont voulu se réunir à Tombouctou. La police est intervenue pour mettre fin à leur rassemblement et deux d’entre eux, Moussa Ag Acharatouman et Boubeker Ag Fadil, ont été arrêtés et détenus dans les locaux de la police à Bamako pendant 17 jours au cours desquels ils ont subi des mauvais traitements, des insultes et des menaces. Le CMA dénonce ces abus de pouvoir et appelle la communauté internationale à se solidariser de manière conséquente avec ce peuple du désert menacé de disparition.
En Tunisie, la politique de négation de l’amazighité et d’assimilation forcée des Amazighs a réduit considérablement les espaces d’expression et le nombre d’amazighophones dans le pays. Le CF leur exprime sa totale solidarité et leur recommande de s’organiser pour mieux résister et de rejoindre les rangs du CMA notamment à l’occasion de son prochain congrès.
En Libye, le régime de M. Kadhafi poursuit sa politique d’apartheid envers les Amazighs de ce pays, les privant de leur langue et de leur culture et les menaçant de mort lorsqu’ils revendiquent leur amazighité. Trois citoyens libyens font actuellement les frais du racisme d’Etat en Libye : Le chanteur Amazigh Abdellah Ashini, injustement accusé de favoriser l’émigration clandestine vers l’Europe et arbitrairement condamné à 5 ans de prison et Mazigh et Madghis Bouzakhar, arrêtés à leur domicile de Tripoli par la police, pour avoir semble t-il, discuté avec un citoyen italien. A ce jour, on ignore le lieu de détention des deux frères Bouzakhar. Par ailleurs, les milliers de Touaregs originaires du nord-Niger et du Nord-Mali qui vivent dans le sud de la Libye (Ubari, Sebha, Murzuq) mais qui n’ont pas la nationalité libyenne, sont gravement discriminés puisqu’ils n’ont pas le droit à un logement décent, n’ont pas le droit d’accéder aux études supérieures, celles-ci étant réservées aux seuls ressortissants libyens, n’ont pas le droit d’ouvrir un compte bancaire ni le droit à un passeport. Ce sont des sans-statut, marginalisés, cachés à la vue des visiteurs étrangers et considérés comme des citoyens de 3° catégorie. De plus, le régime libyen use de corruption et/ou de terreur pour pousser certains Touaregs à renier publiquement leur identité amazighe et à se déclarer Arabes. Ainsi, l’Etat libyen se prétend leader de l’unité africaine mais manipule dangereusement des facteurs ethniques pour tenter de semer la division et les conflits entre les peuples. Le CF du CMA est indigné par ces pratiques d’un autre âge et condamne avec force la marginalisation et la répression qui frappent les Amazighs en Libye. Le Congrès Mondial Amazigh exige la libération immédiate des détenus politiques et la fin du racisme anti-Amazigh en Libye.
Le Conseil Fédéral a vivement recommandé à toutes les associations amazighes de prendre toutes initiatives utiles en faveur des populations Touarègues et au bureau du CMA d’interpeller la communauté internationale et de sensibiliser toutes les forces susceptibles d’apporter leur soutien aux Kel Tamacheq.