Le projet de l’arabisation de l’administration et de la vie publique est de retour devant la commission des lois du parlement marocain. Son examen qui devait avoir lieu le 11 octobre 2010 est reporté jusqu’à nouvelle ordre. Aprés tout les débats politiques, culturels, linguistiques et législatifs qu’a suscité ce sujet il y’a une dizaine d’année et lors de sa dernière présentation, il y’a deux ans, il parait que ses instigateurs n’en démordent pas et continuent à s’y accrocher. Ils le font quitte à priser le consensus national sur la nécessité du développement des langues nationales, en priorité l’amazighe qui a souffert de toutes les formes de marginalisation et de comportements discriminatoires depuis l’indépendance il y’a 45 ans.
Le texte initial de ce projet de lois date de 1998, ces porteurs le présentent aujourd’hui dans la même forme et les mêmes termes, sans prendre en compte les divers changements qu’a connus le Maroc après la mort du roi Hassan II. C’est ainsi que le texte ne parle que deux langues, une qui est l’arabe classique dont la position devrait être consolidée dans l’espace public et l’administration avec sa graphie araméenne. La seconde est la langue étrangère qui doit être traquée partout en interdisant son usage. Pour se faire, le projet de lois propose de condamner à une amende allant de 1000 à 10000 DH toutes personnes qui aurait utilisé une autre langue que l’arabe ou une autre graphie que l’araméenne dans «les annonces et les affiches publiées par les administrations publiques ou semi-publiques, les associations, les entreprises commerciales, industrielles, professionnelles ou privées ». Le projet appelle aussi à multiplier l’amende en cas de récidive.
Néanmoins, pour ne pas s’entraver et d’entraver les leurs, ainsi que les entreprises travaillant avec les étrangers, il leur ai accordé la possibilité d’utiliser le français sous conditions : « Il est possible d’autoriser, en cas de besoin, d’écrire dans une langue étrangère à coté de la langue arabe, l’écriture en arabe devant être plus grande et en première position ». Cela signifie que seul l’usage de la langue amazighe et de son alphabet Tifinagh demeurent totalement interdits, alors que la présence des langues étrangères est garantie. Le texte ne reconnait qu’une seule langue pour les marocains, à savoir l’arabe classique.
Les porteurs du projet ne témoignent d’aucune sympathie pour la langue amazighe, la langue éternelle des marocains depuis des millénaires, de nombreux siècles avant même l’arrivée de l’arabe. Une langue qui a su résister au temps, et qui en a vu beaucoup disparaitre à travers l’histoire, tel le phénicien, le latin… Cet héritage précieux de tous les marocains n’intéresse aucunement les instigateurs de l’arabisation absolue de la vie publique. Ceux la même qui tiennent à ce que leurs progénitures puissent fréquenter les missions françaises et maitriser la langue de Molière, seul instrument qui permet d’accéder aux cercles du pouvoir, ne cessent d’appeler à arabiser un pays connu pour sa diversité culturelle et linguistique.
D’un autre sens, les défenseurs du projet semblent oublier une décision de l’état qui concerne la langue amazighe. Ils continuent d’instrumentaliser le pseudo Dahir berbère du 16 mai 1930 pour nous priver de nos droits linguistiques et culturels, en considérant toute revendication amazighe comme une continuité de ce vieux décret colonial. Le berbère devient ainsi une banale expression d’un complot étranger, en l’absence de toute protection juridique, et l’arabisation absolue une exigence nationale.
Ils oublient aussi qu’aujourd’hui l’amazighe est protégée par un dahir qui annule celui du mai 1930 et tout l’arsenal idéologique bâtit autour de lui. Le nouveau dahir donne à l’amazighe sa place comme élément essentiel de la légitimité politique au Maroc. C’est le décret du 17 octobre 2001, qui fait de l’amazighe une « responsabilité nationale » et appelle à l’encourager en tant que richesse nationale et source de fierté de tous les marocains.
Pour toutes ces raisons, le projet d’arabisation de la vie publique devient caduc et sans aucun contenu, si ce n’est que de raviver les tentions, en consacrant une discrimination linguistique parmi les citoyens. Son adoption voudrait dire l’interdiction par la loi aux 600 associations amazighes de s’exprimer avec la graphie Tifinagh dans les espaces publics, l’interdire aux commerçants, restaurateurs et hôteliers qui ont commencé à l’utiliser sur leurs enseignes et les façades. Les partis politiques qui ont vu dans l’usage de l’alphabet amazigh un symbole de la diversité du Maroc n’y auront plus droit non plus. Il faudra le défendre aussi à l’IRCAM (Institut Royal de la Culture Amazighe) qui est un établissement public. Rappelant que le Tifinagh a été adopté comme l’alphabet officiel de la langue amazighe par une décision officielle datant du 10 février 2003. Cette décision a été approuvée par tous les partis politiques sauf le parti de l’Istiqlal et le PJD (Parti de la Justice du Développement (Islamiste)). Rien de choquant étant donné que ces partis, qui ne représentent qu’une minorité dans le paysage politique marocain, représentent le conservatisme stérile et souffrent d’une étroitesse de vue qui les empêchent de voir l’évolution de la société marocaine.
Traduction de l'article تعريب الحياة العامة مقترح مكانه الطبيعي سلة المهملات de Ahmed Assid paru sur le site Hespress par Anflous