Un groupe de danseurs qui ont choisi le style de leurs ancêtres gnawa vient de frayer son nouveau chemin et donner à la musique gnawa la véritable place qu’elle mérite. Originaires du Sud-est du Maroc singulièrement de Tinghir, ces jeunes sont pleins d’énergie et veulent donner à la musique gnawa une nouvelle force et un nouveau souffle pour sauver cette musique qui souffre de la marginalisation.
Nous avons opté pour interviewer le responsable de ce groupe Monsieur M’bark EL HAOUZI ( licencié en Langue et Littérature françaises, Université Ibnou Zohr, faculté des Lettres Agadir 1994) qui est au même temps le président de l’ "Association Gnawa pour le Patrimoine Culturel Oued Toudra" pour nous parler de ce patrimoine et de son groupe ; en voilà les propos recueillis :
On trouve plusieurs approches sur l’origine et la signification du terme Gnawa, quelles sont les caractéristiques de ce style et de ce patrimoine musical?
Le terme Gnawa signifie selon certains, les habitants de la Guinée; car ils trouvent une facilité linguistique pour faire associer les deux mots. Mais, il a d'autres appellations:
IGNAOUEN: (pluriel du terme amazigh agnaou) sont les noirs qui parlent une langue que les habitants des régions où ils se sont installés, au début de leur arrivée aux différentes régions du Maroc, ne comprennent pas.
ISSEMKHAN ou ISSEMGAN: ce sont les noirs qui se trouvent liés au service des zaouïas maraboutiques ou chez les Kaids (au sens traditionnel du terme) et chez les chefs des tribus comme des esclaves domestiques.
Leur origine remonte à l'Aancien Soudan: le Mali, le Niger, la Mauritanie, la Côte d'Ivoire et la Guinée. Ils se sont déversés en Tunisie pour donner les Stambalis et en Algérie nous avons des Gnawa comme au Maroc.
Avant tout, Ignawen est un mode de vie, avec les mutations sociales qu’a connue la société qu’est-ce qui reste encore de cet héritage ?
Ce qui reste de l'héritage des Gnawa : leurs activités se limitent à faire des randonnées estivales et des tournées aumônières des quêtes dans les villages voisins. La veille de ces sorties, un membre est désigné pour aller prévenir le chef du premier douar à visiter de l'arrivée des Gnawa. Pour l'occasion, chaque famille doit apporter une partie de céréale dont une quantité est rendue après être touchée par le membre qui détient les traditions comme signe de la baraka des Gnawa. Ces tournées se terminent par le voyage à la place dite Lalla Mimouna qui a toujours lieu au début du printemps (justement la première semaine du mois de Mars agraire). La personne à laquelle le nom est donné est, "une diablesse, une génia, une divinité africaine". Le lieu est sous forme d'un sanctuaire sans tombe qui se trouve au sommet d'une haute montagne dans la région de M'ssissi à Errachidia. La personne dont ces Gnawa sont des adeptes aurait passé toute une nuit sur la montagne à une époque lointaine d'après nos informateurs: du coucher du soleil jusqu'au lever du jour.
Et ce voyage, qui est la réactualisation du geste du passage par les générations actuelles, représente la dernière étape des préparations du festival annuel qui a lieu le lendemain du retour.
Au contraire aux troupes gnawa urbains, pourquoi les gnawa dans les compagnes n’ont pas profité de la médiatisation et le succès qu’a connu cette musique notamment avec le festival d’Essaouira?
Depuis sa formation, le groupe a essayé de contacter les organisateurs de certains festivals nationaux; et surtout le Festival d'Essaouira. Nous avons envoyé un dossier et une demande de participation à l'Association Essaouira Mogador et nous espérant être invitée pour participer à une édition dans l'avenir. Aussi, deux dossiers ont été envoyés au ministère de la culture (le premier en 2005 et le second en 2009. La même question m'a été posée par des intéressés à Nice et à Montpellier en 2007 sans pouvoir donner de réponse satisfaisante. Notre style est un peu différent de style des Gnawa d'Essaouira; mais je pense que notre présence va apporter du nouveau et montrer les caractéristiques de cette danse au sud-est marocain.
Le public (à Nice et à Montpellier) nous a beaucoup encouragé et applaudit. Et, c'est à partir d'une petite démonstration donnée pour une chaîne italienne, que le patron de " International Show Parade" nous a invité au festival folklorique de Tours de 11 au 15 juin 2009.
Comment l’idée de la création de l’association Gnawa de oued Toudra est née et quels sont ses objectifs et ses réalisations?
L’idée de création de l' "Association Gnawa pour le Patrimoine Culturel Oued Toudra" est née depuis le début des années 90, lorsque j'ai décidé à réaliser mon mémoire de licence sur les activités des Gnawa et pour répondre à la demande des vieux qui étaient conscients du danger que coure notre patrimoine en voie de disparition. Mais, l'idée a été appuyée par l'ancien gouverneur de la province d'Ouarzazate Mr Ahmed Merghich que je remercie pour ses encouragements et son soutien au groupe en 2004 après la visite du roi de la Belgique à Ouarzazate. En 2005, il a insisté sur la création d'une association pour travailler dans un cadre officiel.
Constitué en 2004, le groupe Gnawa Oued Toudra englobe l'ensemble des danseurs qui appartiennent à la même ascendance: les mainteneurs des anciennes traditions africaines héritées des premiers noirs venus des différentes régions de l'Afrique à une époque antérieure. Leur but, c'est la participation massive du groupe possédant ces coutumes à préserver.
Il propose des danses variées et séduisantes: Tadraouite, Zaïna et Aâlouane.
Ses principaux objectifs sont:
-
Bien présenter la danse des Gnawa pour la valoriser et la sauver de l'oubli,
-
Préserver le festival annuel des Gnawa comme un rite de possession des anciennes traditions africaines qui ont réussi à maintenir certains de leurs aspects originels.
-
Coordination avec les associations et les organismes sociaux culturels au niveau local, national et international
-
Participation aux manifestations à aspect social: enfance et catégories défavorisées...
Quels sont les obstacles que rencontre votre groupe dans sa mission ?
D’abord il y a le manque de ressources. Depuis la création de l'Association, nous nous sommes chargé de toutes les dépenses. En fin 2005, la municipalité de Tinghir avait versé 3500dh et la province d'Ouarzazate 3000dh; alors que le groupe a participé à toutes les activités municipales et provinciales (de 2004 à 2009). Le groupe travaille selon ses propres moyens et ne bénéficie d'aucun soutien financier. Un point qu'il faut éclaircir, en Février 2007, le groupe a participé au Carnaval de Nice et tout le monde raconte que c'est la municipalité qui a envoyé les Gnawa à Nice. La réalité c'est que le responsable a fait des promesses pour prendre aider le groupe durant son séjour en France (frais de transport et nourriture lors du voyage) ; mais il a présenté des excuses à la dernière minute.
Après votre participation au festival de Nice en France en 2007, avez-vous d’autres propositions à l’étranger ?
Nous reprendrons les contacts avec l'Office du Tourisme de Nice au mois de juin prochain pour une éventuelle participation au carnaval 2010. Le groupe est invité au festival folklorique de Tours du 11 au 15 juin 2009. Il sera présent au festival de Malakoff le 28 juin et le 03 juillet 2009.
Une invitation en Espagne est en cours d'étude pour l'été prochain.
Propos recueillis par Hamid Belkassem