« De la fascination de l’Occident pour l’Orient est né l’orientalisme. Mais, plutôt que vécu sur place, dans son quotidien, l’Orient des peintres était rêvé ou fantasmé dans les ateliers. Pour un Delacroix qui fit le voyage au Maroc, remportant des moissons de dessins sous forme de carnets de voyage, combien ne quittèrent jamais leur horizon familier ? Abdallah Aourik, enfant d’Agadir, né 1946, fit bon gré mal gré le chemin inverse : rescapé du tremblement de terre de 1960, il fut confié à une famille belge.
Puis il partit étudier à Cambridge, apprit la peinture à l’Ecole des Beaux-Arts de Berlin-Ouest, et se perfectionna à Rome. En 1971, c’est un jeune artiste déjà confirmé de vingt-cinq ans qui renoue avec ses racines. Les peintures rupestres de l’Atlas qu’il découvre alors lui inspirent le sens de la survie par l’oeuvre et lui dictent le devoir de transmission. Il va se mettre au service du formidable patrimoine amazigh : garder trace de l’habitat, des objets, enregistrer pour construire demain. Il peint les pêcheurs d’Imsouan, les nomades du désert, les femmes berbères. Ce n’est qu’en préservant ses racines qu’on se met en mouvement, dit-il. Et en mouvement, il ne cesse de l’être : il quitte l’Europe pour explorer la Chine, l’Inde, le Tibet et, enfin, de 1981 et 1986, les Etats-Unis.
D’où les « peintures du Nouveau-Monde » exposées à l’Institut français d’Agadir. Ce qu’Aourik a cherché à saisir, c’est la vision que pouvait avoir de l’Amérique un Marocain, riche de sa forte identité, dans les années 80 : San Francisco avec ses maisons peintes et ses hippies bariolés, plages californiennes où les corps diaphanes poussent comme des fleurs, villages du Far West remplacés par des villes. Aourik est attentif à tout ce qui va disparaître. Cet ensemble de toiles, cette série pourrait-on dire, restitue une vision où se mêlent le souvenir des pionniers et la mémoire des indigènes. Les paysages urbains américains, largement brossés, épurés et synthétiques, ont rarement été peints avec une telle simplicité, comme pour en restituer l’essence. »
Françoise Py,
Maître de conférences en Histoire de l’art à l’Université de Paris 8
Exposition des oeuvres de Abdallah Aourik à l'Institut français d'Agadir du Mercredi 8 au Vendredi 24 octobre 2008
Site web:
www.ifagadir.org