C’est une lapalissade que de dire qu’Internet a été et est toujours une immense chance pour la culture amazighe. Et c’est vraiment le cas de le dire. Nul ne peut nier l’apport indéniable des sites amazighs. Que ce soit au militantisme ou à la promotion de notre si belle et riche culture.
Grâce à eux, nous avons pu nous exprimer. Librement. Par écrit. Et même par la parole. Sauf qu’il y a un hic. Il ne faut jamais omettre que nous sommes, fondamentalement, dans une civilisation de l’image ou, du moins, dominée par l’image.
Pour ne pas être largués, il faut que nos Amazighs s’y investissent. Dare-dare. En fait, il faut tout faire pour relever ce défi on ne peut plus important. Comme vous le savez tous, les régimes arabistes au pouvoir dans nos pays ne veulent surtout pas que l’amazighité accède au monde magique de l’image... télévisuelle. La preuve : malgré les protestations silencieuses ou bruyantes de nos militants et de nos simples citoyens, ils renâclent encore et toujours à créer des télévisions amazighes. Car très conscients de leur impact massif sur les esprits et les consciences.
Eu égard à ce qui précède, comme toujours, il y aura certains lecteurs, négateurs par nature des évidences, qui peuvent être tentés par le scepticisme ? C’est leur droit le plus absolu, sauf qu’il faut qu’ils nous expliquent, pour quelle raison prend-on autant de retard à mettre sur pied la télévision amazighe au Maroc ? Manque de ressources financières nous décline-t-on sous tous les tons. Mais bizarrement le gouvernement de Rabat ne lésine jamais sur les moyens lorsqu’il s’agit de tout ce qui a trait à l’arabité, son arabité. Et même ce qui a trait à la francité- le scandale du festival de l’intolérance d’Agadir est d’ailleurs un bon exemple.
Idem pour l’Algérie. Si vous vous rappelez bien, l’on avait annoncé à un moment, pompeusement, la création d’une chaîne amazighe. Mais il semble que le projet soit tombé à l’eau. Définitivement. D’ailleurs, personne n’ose encore en parler. Et pourtant, ce n’est pas l’argent qui fait défaut. Comme vous le savez, si la junte militaire au pouvoir à Alger ne fait pas attention, elle risque, carrément, incessamment, de se noyer dans une mer de milliards de dollars. Des sommes colossales amassées non, hélas, en raison d’une quelconque créativité économique, mais grâce seulement et uniquement au pompage massif du pétrole... touarègue. Passons !
Et la vidéo fut
Les Amazighs n’ont aucunement le droit d’omettre l’importance de l’image. Il faut absolument qu’ils apprennent à l’utiliser. À bon escient. Il faut même qu’ils l’apprivoisent. Totalement. Et la faire la leur. Entièrement. Par tous les moyens. Il va sans dire que c’est une arme terrible. Les Soussis ont déjà montré l’exemple et tracé le chemin- ce n’est pas parce que je suis soussi que je dis cela. Il faut dire ce qu’il y a et rendre à César ce qui est à César.
Pragmatiques à l’extrême, ils étaient les premiers à user massivement de la vidéo. Depuis le début des années 80 du siècle passé. Ils ont produit un nombre incalculable de films, qui se vendent, précisons-le, comme des petits pains. Que ce soit bien évidemment dans l’immigration ou chez eux, dans le Souss. Et même ailleurs. Il faut savoir que tous les Amazighs du Sud du Maroc et même du Moyen Atlas raffolent de ces produits Made in Souss. Même certains Arabes pur sucre ne s’empêchent pas de se les procurer. Il faut reconnaître qu’ils ont, eux aussi, succombé au phénomène.
Quelles sont les raisons de cet engouement sur la production visuelle amazighe ? En fait, c’est très simple. Parce que les Amazighs s’y reconnaissent. Ils leurs parlent et parlent leur langue. N’ayons pas peur des mots, c’est ni plus ni moins qu’une petite révolution culturelle. Permise certes par l’évolution technologique. Surtout Internet et le DVD. Avec cette dernière technologie, l’accès de la majorité des Amazighs à leur production visuelle est devenue une réalité. Parce que facilement accessible. Ce qui n’était pas le cas de la cassette VHS, qui coûtait relativement cher.
Résultat des courses : les Soussis sont maintenant de parfaits professionnels de l’image. Ils ont même fait des envieux parmi les amazighophobes de tout poil. Pire encore, ils attisent carrément les convoitises. Exemple : avec la complicité scandaleuse du Makhzen, Ayouch fils s’est mis indûment dans la poche une grosse cagnotte sous prétexte de produire des films… amazighs. Devenus subitement et honteusement arabes sur les ondes de 2M, une chaîne -comme vous l’aurez remarqué- connue par son « amazighophilie » plus que désarmante.
Et les associations amazighes dans toute cette ébullition « imagière » ? Il y en a qui ont compris l’importance de l’image. C’est tout à leur honneur. D’ailleurs, l’on trouve facilement leurs vidéos sur Internet. C’est surtout les étudiants du Mouvement culturel amazigh (MCA) qui sont des pionniers dans ce domaine. Avec une simple caméra, ils filment toutes leurs manifestations. Ce qui est une idée on ne peut plus géniale. D’ailleurs, beaucoup parmi nous ont suivi les derniers événements sanglants des universités marocaines via Internet.
Mieux encore, qui aurait soupçonné l’existence de Tilmi et ses habitants oubliés et démunis ? Personne. Mais grâce au reportage sur leurs protestations, tout le monde a senti, sincèrement, de l’empathie, et même de la sympathie, pour eux. Touchées au plus profond d’elles-mêmes par la situation miséreuse de ces populations on ne peut plus amazighes, quelques âmes charitables pensent déjà à monter des structures associatives pour les aider. Tout cela grâce à la magie de… l’image.
Que l’on communique avec… l’image !
Revenons à nos associations amazighes ! Vous savez tous qu’elles organisent, régulièrement, des colloques qui traitent de toutes les thématiques. Parfois extrêmement intéressantes. Mais malheureusement, si vous n’y assistez pas, parce que vous habitez loin ou à l’étranger, vous n’en saurez jamais rien. Ce qui est dommage et triste en même temps ! Donc, pour que ces structures associatives se départissent de cette « rétention » non volontaire de l’information et de la connaissance, il faut impérativement qu’elles sensibilisent leurs jeunes militants à l’importance déterminante de l’image. Et pourquoi n’auraient-elles pas, carrément, des plans de communication ? Qu’elles se rassurent, cela ne demande que peu de moyens. Mais il exige beaucoup de volonté.
Comment doivent-elles procéder ? En réalité, c’est extrêmement simple. Étant donné que la vieille garde est dépassée à ce niveau, il faut penser à la jeunesse. Il faut donc former des équipes composées de jeunes militants au fait des techniques informatiques et Internet. Leur procurer une caméra ou même plusieurs.
Si c’est possible bien évidemment. En tous les cas, chez nous, les caméras ne manquent guère. Il faut voir leur nombre dans les mariages même dans les patelins les plus reculés !
Toujours est-il que la mission qui sera assignée à ces équipes serait de filmer, systématiquement, toutes les activités associatives et les mettre prestement sur les incontournables dailymotion et autres youtube. Simplement. On ne leur demande pas de faire des reportages à la BBC. Même si avec le temps, ces reporters en herbe vont assurément s’améliorer. Ne dit-on pas que c’est en forgeant qu’on devient forgeron ? Et pourquoi tous ces jeunes ne deviendraient-ils pas de grands journalistes par la suite ? En tous les cas, rien n’est impossible. Il suffit d’un peu d’acharnement. Et tabler sur un changement politique, radical ou progressif, dans nos pays. Vers davantage de démocratie et de liberté pour notre peuple qui n’a que trop souffert.
L’on n’a pas besoin de dire et de répéter que sans l’image nous n’existons tout simplement pas. Il faut croire dans notre propre publicité, comme disent les Anglo-saxons. Sinon, on est « dead ». Direct. Il faut impérativement penser aux modalités d’exploiter, à défaut d’une télévision en bonne et due forme, les possibilités infinies offertes par Internet. D’ailleurs, et c’est vraiment rassurant, la Coordination des Berbères de France en a pris conscience. Plusieurs de ses activités sont filmées et diffusées sur la toile planétaire. Pour notre plus grande joie. Un exemple simple : cela fait des décennies que l’on nous parle de Salem Chaker, mais peu d’entre nous ont eu l’occasion de le croiser. Mais grâce à cette association dynamique qui l’a interviewé, nous avons pu, enfin, le voir et même l’entendre.
Que tous les Amazighs et leurs associations pensent sérieusement et réellement à investir l’image ! Massivement. Ils ont tout à y gagner et rien à y perdre.
Par Lahsen Oulhadj