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Par tout en Afrique du nord, qu'il soit chez les arabophones ou chez les amazighophones, la célébration de ce nouvel an est très pratiquée. Elle porte des noms différents mais désigne la même chose. Au Maroc, les noms utilisés sont (Id innayer),la nuit de innayer, (Id usggwas), la nuit de l'année, (Ikhf usggwas), extrémité de l'année, (tagwlla n innayer), le repas de yinnayer, Haguza, Bayanu, ou "ssana Al-filahiyya", l'année agricole, "3sidat innayer" en arabe. Un certain nombre de rit très varié accompagne cette célébration. Chaque région, chaque tribu ou même chaque village a ses spécificités et ses pratiques qui la distinguent. Ce calendrier est basé essentiellement sur un mode de vie lié à l'agriculture et au changement des saisons. C'est ce qui explique que dans quelques régions, pour célébrer ce nouvel an, les familles prépare un repas nommé "urkimn", en amazighe ou "seb3 khdayer", les sept légumes. Un repas composé de toute sorte de légumes. Un autre repas est très présent à cette occasion notamment dans la région de Souss. Il s'agit de "Tagwlla", le repas officiel de la cérémonie. Le même repas porte chez les Amazighs de la Libye le terme de "Timghtal" Tandis que dans le Rif, c'est le couscous qui est préparé et dans d'autres régions égorger un coq est très important. A l'Est du Maroc, une grande activité commerciale accompagne la célébration de yennayer. Les tribus de la région se réunissent dans des marchés populaires pour acheter du blé, de la céréale ou du mais. Un grand nombre de comportement accompagne la célébration de yennayer. A coté de la superstition, les rites et pratiques accompagnant cette célébration sont très variés. Pour les régions qui préparent "Tagwlla", le noyau du date "aghwrmi", se cache comme la fève, à l'intérieur du repas. Le membre de la famille qui a eu la chance de trouver la fève est destiné être heureux toute l'année. On lui donne même les clés de l'Agadir", la grenier ou le magasin où tout le village dispose ses biens. On disait aussi que la personne qui n'a pas bien mangé ce jour là, aura faim toute sa vie. Dans la région d'Ihahan (prononcé en arabe Haha), les femmes posent trois boules de blé au toit de la maison placées successivement selon l'ordre des trois premiers mois de l'année. Après elles jettent du sel sur les boules. Le lendemain, elles goûtent les trois boules. Celle qui est la plus sellée représente le mois où il aura beaucoup de pluie. De même; s'il pleuvait le jour de l'an, cela est un signe d'une année agricole bien réussie. Dans d'autres régions, les membres de la famille montent en haut de la maison pour voir quelle sera la première voix entendue. Si c'est la voix d'une vache, l'année donc sera bonne. Mais si c'était la voix d'un âne, l'année prochaine sera mauvaise. La même explication se donne selon les insectes qu'on trouve au dessous des trois pierres "inkan" qui composent le four traditionnel. Elles sont placées d'une manière triangulaire. Si on trouve des fourmilles, l'année sera bonne. Par contre si c'est autre insecte, l'année sera catastrophique au niveau de la récolte.
"Yennayer", le nouvel an amazigh : Un rite ancestral au service d'une revendication identitaire : Entre tradition et militantisme.
Depuis l'émergence du mouvement revendicatif amazigh, ce calendrier a pris une autre appellation. Dorénavant, il est nommé "nouvel an amazigh". Il dote aussi d'un chiffre pour fixer son début. Cette année on est en 2958. Quelle est l'origine de cette date?
L'apparition d'une date qui fixe le calendrier amazigh est liée à tout un travail de réappropriation, de promotion et de la mise en valeur des éléments de l'identité amazighe mené depuis la fin des années soixante par, notamment, l'association Agraw imazighn (connue sous le nom de l'Académie berbère). Autour de Mohamnd A3rab Bisaoud (dit Muhed Aqbayli) s'est constitué, en 1967, le premier groupe qui sera le noyau d'un mouvement revendicatif amazigh. A cette époque, ces militants ont retravaillé et faire connaître les alphabets amazighs "tifinagh" et ont valorisé l'histoire ancienne des Amazighs.
Le chiffre 2958 débute historiquement du 950 av JC, date du règne du roi amazigh "Chichneq" sur les Feraoun en Egypte, constituant la famille 22. Le choix de cet événement pour débuter le calendrier amazigh révèle les intentions suivantes :
- Chercher le maximum possible dans l'histoire lointaine des Amazighs pour dépasser les deux calendriers existant chez les Amazighs, à savoir le calendrier Grégorien et surtout le calendrier arabo-musulman connu sous le nom du calendrier Hégire.
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- Faire connaître, au large public, la relation existant entre les Amazighs et la civilisation faraoun, comme une des grandes civilisations de l'humanité.
Au Maroc, cette date n'a commencé à être connue qu'après 1991 après la publication de la Charte d'Agadir, considérée comme acte de naissance officiel du mouvement amazigh au Maroc. Et depuis, toutes les associations amazighes veuillent à ne pas rater la célébration du nouvel an amazigh. Parmi les traditions associatives liées à cette nouvelle célébration, la publication des calendriers affichant l'année amazighe et l'organisation de grands galas et conférences autour de cette événement. Le calendrier diffusé par les associations, ne vise pas seulement à faire connaître le calendrier amazigh, mais notamment, à diffuser des messages culturels et politiques en faveur des droits linguistiques et culturels amazighs. En conséquent, les autorités n'hésitent pas d'intervenir pour interdire la diffusion de ces tractes. C'est le cas, de l'association Tamaynut section d'Inezgane. En 1994, cette association publie et diffuse un calendrier qui porte les trois années à savoir, l'année grégorien, 1994, l'année hégire 1414-15 et l'année amazighe 2949. A coté, on trouve les photos des anciens rois amazighs comme Yuba I, Masibsa, Dihya, Massinissa, et Yugrten mais aussi, deux textes, un en français et l'autre en amazighe. En français, on lit:
" Notre démarche consiste essentiellement à revendiquer notre Identité culturelle qui se résume tout simplement dans le refus D’être autre que nous même dans le respect des autres.
Nous somme et nous voulons rester amazighs" Et en amazighe, il s'agit de deux vers d'un poème de Ali Sedki Azayku:
"Iqqand i yan iddrn a sul isawal mqqar ran-as middn ad t-ittu wawal "Tôt ou tard, le vivant parlera même si tout le monde cherchera à le faire taire"
Le calendrier était largement diffusé et affiché dans les boutiques des commerçants de la ville mais quelques jours après, le Pacha d'Inezgane décide de censurer le calendrier et arrêter quatre membres de l'association. Ali Boumalk, Brahim Lasri et Rachid Rédouan comme membres du bureau de l'association et Abderrahim Zaki, comme peintre et réalisateur du concept du calendrier. Après deux jours d'enquête autour du contenu des deux textes et les photos des anciens rois amazighs, les détenus se sont libérés en attendant une nouvelle invitation qui n'est jamais venue jusqu'aujourd'hui.
Mais malgré cette attaque de la part des autorités locales de la ville d'Inezgane, les associations n'ont jamais cessé de célébrer le nouvel an amazigh. Il a même pris une nouvelle dimension. Après des années de l'organisation des galas gratuits pour fêter Yennayer, aujourd'hui, et depuis 2001 quelques acteurs associatifs ont rendu cette célébration un moment attendu par l'élite économique et politique de quelques grandes villes. A Agadir, Marrakech, Casablanca, Meknès, Nador ou Rabat. Quelques hôtels même n'hésitent pas à préparer un dîner spécial yennayer. L'événement peut se développer pour qu'elle devienne au service du développement économique et touristique de quelques régions. A coté de la célébration dans le cadre familial héritée depuis des siècles le mouvement amazigh rend cette occasion, un moment fort pour sensibiliser la masse autour de la revendication amazighe et envoyer des messages aux autorités pour reconnaître les droits amazighs. Aujourd'hui, la revendication majeure et la devise de cette célébration et que ce jour soit reconnu officiellement comme jour férié et la reconnaissance constitutionnelle de la langue amazighe comme langue officielle. Pour atteindre cet objectif les associations amazighes n'hésitent pas à rendre public des communiqués et déclarations à ce sujet. Les efforts du mouvement amazigh ne passe pas inaperçus. Le message amazigh a réussi à atteindre les autorités officielles et les élus locaux ou parlementaire. En 2005, le Conseil municipal d'Agadir à organisé un grand concert à l'occasion de la célébration du nouvel an amazigh et en 2008 (2958 amazigh), les élus locaux de la ville de Dcheira, dans la banlieue d'Agadir organisent une soirée à la même occasion et pour rendre hommage aux quelques grand poète chanteurs (Rways). En Libye, cette année (2008 – 2958), le pouvoir libyen n'a pas pu rester indifférent. Il décide de célébrer "yennayer" mais sans signaler qu'il signifie le nouvel an amazigh. Pour le régime de Kadhafi, il ne s'agit que de la célébration de la 2958e anniversaires de la victoire de Chichneq, le libyen sur les Faraouns car il réalisa, et pour la première fois dans l'histoire, l'unité des deux régions du "monde arabe", la partie de l'Asie et celle de l'Afrique. Cette démarche, de la part des autorités libyenne, révèle une vraie volonté pour la réappropriation politique de l'événement. Même si le terme calendrier amazigh n'est pas cité ouvertement, célébrer la victoire de Chichneq (Chechonq) le 13 janvier exactement n'est qu'une stratégie pour exploiter le discours amazigh pour des fins idéologiques panarabismes du régime libyen.
Dans la Diaspora amazighe et notamment en France, ou la présence amazighe est très forte, la célébration de "Yennayer" comme nouvel an amazigh n'échappe pas au danger d'une éventuelle réappropriation politique de la part de différentes tendances politiques en concurrence. En parallèle avec les différentes activités associatives organisées à l'occasion, les grandes figures politiques ne ratent pas l'occasion. A paris, par exemple, les deux grands candidats pour la Mairie de Paris, Françoise De Panafieu (UMP) et Bertrand Delanoë (PS), accueillent respectivement les acteurs du mouvement franco-berbères et des milliers de Franco-berbères pour célébrer "Yennayer" et lancer des promesses en faveur d'une meilleure reconnaissance du berbère en France.
Par Lahoucine Bouyaakoubi