Izlan, ce sont des libérateurs de parole. Ils permettent de donner la parole à tout un chacun. Même aux muets. Izlan en les chantant ou bien en les fredonnant, on s'aperçoit que l'on arrive à tenir des propos que l'on n’ose pas dire en temps normal.
Ces propos que l'Amediaz chante à haute voix peuvent exprimer différents sentiments. Ils peuvent exprimer l'éternel amarg bien sûr, mais aussi la joie, la tristesse, la colère, la nostalgie, l'injustice, l'exil, la solitude, la séparation, les retrouvailles, et j'en passe. Toute une palette de sentiments qui sont exprimés avec des mots. Non pas par des mots savants, mais par des mots de tous les jours. Des mots qui sont compris par tout le monde, et non pas seulement par une certaine élite. Ainsi chacun peut s'approprier ces izlan et les répéter selon son propre tempo. Certains les chantent à tue tête derrière leurs troupeauxde chèvres ou de brebis. Ce sont les jeunes bergers. A voix basse à dos de sa monture par des personnes qui n'ont plus la spontanéité des enfants. Que cette monture soit un âne, un mulet ou même un cheval. Chacun répète celui qui lui semble convenir à la situation.
Si quatre notes de musique sont largement suffisantes pour créer une mélodie, il en est de même pour izlan. Il n y a pas lieu d'aller chercher je ne sais quels mots savants, il suffit d'ouvrir l’œil et de sélectionner quelques mots du quotidien. Ensuite, on les arranger légèrement, quitte à faire quelques petites entorses à la grammaire. Entorses que personne ne critiquera. Et enfin, on décontracte l'abdomen, pour prendre une bonne respiration, et on ressort tout cet air qui viendra faire vibrer ses cordes vocales pour porter l'IZLI au plus profond du pays amazigh. Pas besoin de le crier très fort. Quand, il sort, celui qui l'aura entendu le retiendra facilement grâce à la simplicité des mots qui le composent. Ensuite il se chargera de le rapporter spontanément dans sa contrée pour le répéter à son tour et ainsi de suite.
Si les hommes voyagent peu, faute d'infrastructures, les mots par contre ont trouvé le meilleur moyen de transport. Ils parcourent des centaines de kms par jour. Yan Umediaz ayant lancé son izli, ou bien lâché son izli, c'est comme on veut ( c'est comme ça qu'on dit, IGR Izli, IZDA YAS) du côté d'Ifran entendra retentir son écho dans des contrées plus loin que Demnat, s'il n'a pas déjà traversé les montagnes pour faire le bonheur du versant sud. Cet izli devient alors partie du patrimoine culturel commun. Il se répétera de génération en génération. Ainsi de nos jours, on entend encore des izlan qui ont été chanté au début de l'occupation française.
Izli peut alors être mortel si il a été conçu dans ce but. Izli peut aussi véhiculer d'autres formes de sentiments. Si les plus répandus traitent d'amarg, sentiment que tout un chacun ressent à un moment ou un autre de sa vie, le vivre ensemble est souvent évoqué. L'amitié aussi. La jalousie, l'avarice, l'arrogance. Aucun pan de la vie quotidienne n'échappe au champ des izlan.
Mais sait-on qui les écrit si j'ose dire. Ou plutôt, qui les conçoit, car ils ne sont pas écrits comme chacun sait. Si quelqu'un a une idée, elle sera la bienvenue.
Tchant tirra ddunit, disait un proverbe des Aït Hdiddou. Mais elles n'ont pas fait disparaître l'art de l'oralité amazighe.
C'est quand même fou, sur plus de 2000 lectures, ce sujet ne semble intéresser personne. On vient jeter un coup d’œil par curiosité, et l'on suit son petit bonhomme de chemin. On aimerait que tirra viennent grignoter un peu ce sujet.